Pourquoi Oxfam est légèrement optimiste sur l'accord fiscal
Le 19 juillet dernier, à la veille de la fête nationale, le Ministre des Finances Vincent Van Peteghem a dévoilé une première ébauche de son projet tant attendu de réforme fiscale. C’est probablement l’un des dossiers les plus importants mais aussi les plus sensibles de la coalition Vivaldi. L’objectif de cette réforme ? Réduire les prélèvements sur le travail et compenser cette diminution par un élargissement de la base d’imposition afin que l’impact sur le budget de l’Etat soit neutre.
Les propositions du Ministre ne tombent pas du ciel, elles s’inspirent notamment des recommandations formulées par un comité d’experts inter-universitaires. La solution retenue est de mettre en place un système de dual income tax. C’est-à-dire un système fiscal qui fait coexister une contribution progressive des revenus du travail et une contribution à taux fixes des revenus du capital, le tout agrémenté d’éléments visant à rendre la fiscalité plus compatible avec les objectifs climatiques.
Une réduction des contributions du travail qui bénéficie à tous mais surtout au plus hauts revenus.
Parmi les propositions phares du projet du Ministre figure une refonte complète des barèmes appliqués sur les revenus du travail. En premier lieu, on retrouve une augmentation de la quotité exemptée d’impôts au niveau du revenu d’intégration sociale. C’est-à-dire qu’en deçà d’un revenu annuel de 13.390 euros, les travailleurs ne payeraient pas d’impôts. L’objectif affiché est de rendre le travail plus attractif. Ensuite, il est envisagé une réduction de 5% des différentes tranches d’imposition. Le travail serait donc effectivement globalement moins taxé. Et pour finir, une nouvelle tranche d’imposition de 50% est instaurée sur la partie des revenus qui excède 84.740 euros par an. Auparavant, cette tranche de 50% s’appliquait déjà à partir de 42.370 euros par an.
La baisse globale des taux d’imposition et l’augmentation de la quotité exemptée d’impôts répond bien à l’objectif de diminuer les charges sur le travail et tous les travailleurs devraient en bénéficier. Mais il faut s’attendre à ce que les plus gros gagnants soient en définitive les travailleurs avec les salaires les plus élevés puisqu’ils bénéficieront de la totalité des nouvelles réductions d’impôt.
Réformer les taxes sur la consommation avec un objectif social et écologique
La TVA est l’impôt sur les produits de consommation courante le plus connu. C’est un impôt injuste car il s’applique de manière équivalente à tout le monde, riches comme pauvres. La conséquence est que les personnes avec des revenus plus faibles consacrent une proportion plus importante de leur portefeuille à payer cette TVA que les plus aisés.
La proposition de réforme prévoit de ne plus appliquer de TVA sur les produits d’hygiène, sur les fruits et légumes et sur les transports publics. C’est un élément positif qui répond à un objectif à la fois écologique, féministe et social. Le Ministre propose également de maintenir de façon permanente le taux réduit de TVA sur l’électricité. En revanche, ce taux réduit augmenterait en passant de 6% aujourd’hui à 9% après la réforme. Donc les ménages paieraient malgré tout leur électricité plus chère.
Le projet de réforme envisage également l’instauration progressive d’une taxe carbone dont les contours sont encore très flous. Le produit de cette taxe devrait servir à soutenir financièrement les familles vulnérables touchées par cette nouvelle taxe. L’objectif climatique est louable mais nous savons que les taxes carbones impactent durement les plus faibles et que les compensations envisagées ne sont pas toujours suffisantes. Le mouvement des gilets jaunes en France en est un exemple marquant. Les taxes carbones ont tendance à heurter durement les personnes avec des revenus plus faibles qui sont contraints de payer la taxe et n’ont pas accès à des alternatives (en matière de transport ou de chauffage par exemple) tandis que les plus riches se contentent simplement d’acheter leur droit à polluer en payant la taxe sans modifier leur consommation. Or, on sait aujourd’hui que l’impact environnemental du mode de consommation des plus riches est significativement plus élevé que celui de la majorité de la population. Il vaudrait donc mieux légiférer en interdisant certains comportements polluants et financer des alternatives plutôt que de simplement taxer les consommateurs. Interdire les vols courte-distance et investir dans le transport public est par exemple une option plus juste et plus équitable.
Une timide contribution des revenus du capital
Enfin, la proposition de réforme veut faire contribuer l’ensemble des revenus du capital (loyers, plus-value,…).
Aujourd’hui, les bénéfices réalisés sur la vente d’actions par exemple ne sont pas du tout taxés. Cela changerait avec la réforme même si ce serait à hauteur d’un maigre 15%. En revanche, il n’est fait aucune mention d’une taxe sur les transactions financières. Pourtant, une telle taxe doit servir à réguler le monde de la finance. Une mesure attendue depuis la crise financière de 2008.
La taxation des dividendes diminuerait quant à elle de 30% à 25%. Or, il existe déjà de larges possibilités d’évitement de cette taxe. Ainsi, en 2021, sur les 66 milliards de dividendes versés en Belgique, 55 milliards ont été taxés à… 0% ! Certes, le Ministre justifie la baisse à 25% par la nécessité de supprimer les nombreux régimes d’exception qui existent aujourd’hui. Mais rien de précis sur la manière de procéder n’est évoqué à ce stade.
Il est vrai que les revenus du patrimoine contribueraient davantage avec cette réforme que ce n’est le cas aujourd’hui. Et ce, même si cette contribution resterait assez faible. Mais une solution plus juste encore aurait été de globaliser l’ensemble des revenus (du travail et du capital) et de les soumettre à même système progressif de façon à ce que chaque euro gagné, peu importe sa provenance, soit imposé de façon équitable.
Une réforme nécessaire mais pas suffisante pour une plus juste répartition des richesses
La réforme de la fiscalité belge est un sujet complexe. Les propositions du Ministre ont le mérite de proposer des solutions aux bonnes questions et, dans certains cas, les réponses sont bonnes. Cependant, le bémol de ce projet est qu’il n’évoque que la contribution des revenus du patrimoine et pas le patrimoine en tant que tel. Ainsi, aucun impôt sur la fortune ne figure à l’agenda. Pire, les impôts déjà existants qui s’en rapprochent le plus seraient purement et simplement supprimés. Or, une étude récente de la KU Leuven estime que les 1% des Belges les plus riches détiennent 24% de l’ensemble du patrimoine du pays. Elle suggère également qu’un faible impôt sur la fortune, indolore pour les plus riches, permettrait de récolter 20,3 milliards d’euros. Nous plaidons pour un tel impôt afin de mieux redistribuer les richesses et de dégager les financements nécessaires à la lutte contre les inégalités et la réponse aux défis climatiques.