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Actualité14 juillet 2025

Loi sur le devoir de vigilance : qui la protège et pourquoi on doit le savoir

La nouvelle loi sur le devoir de vigilance pour les entreprises est en danger. Les députés belges du Parlement européen tentent-ils de la protéger ? Ou forment-ils une alliance avec l’extrême-droite pour démanteler cette loi sur les droits humains, la protection de l’environnement et l’action climatique ? 

Nos décideur.euse.s politiques belges et européens ont le pouvoir de protéger la loi sur le devoir de vigilance. Mais qui vote quoi ? Et quel sera l'impact de leur vote ? Suivez-nous sur Bluesky et LinkedIn pour le savoir. Député.es européen.nes ... we are watching your moves!

 

Pourquoi nous devons absolument nous battre pour le devoir de vigilance

La loi sur le devoir de vigilance est vivement menacée. Comment les députés belges du Parlement européen utiliseront-ils leur vote ? Nous mettons ici en lumière ce qui est souvent caché derrière les façades étincelantes du bâtiment du Parlement européen. Car l’enjeu est de taille : le sort d’une loi cruciale sur une économie plus durable, l’action climatique des entreprises et l’accès à la justice pour les victimes d’abus est en jeu.  

En février 2025, la Commission européenne a présenté une proposition de loi appelée « Omnibus » visant à « simplifier » la toute nouvelle loi sur le devoir de vigilance pour les entreprises, ainsi que d'autres lois essentielles sur la durabilité. En réalité, cette proposition revenait à affaiblir fondamentalement la loi, qui était déjà très limitée. Les États membres de l'UE n'ont pas perdu de temps. En juin, ils ont présenté une contre-proposition qui affaiblit encore la législation.

La balle est maintenant dans le camp des députés européens : ils doivent eux aussi faire une proposition sur la manière dont ils souhaitent réécrire la loi sur le devoir de vigilance. Une fois que la Commission, les États membres (le Conseil) et le Parlement auront chacun mis leur proposition sur la table, ils entameront des négociations dans le cadre de ce que l'on appelle les « trilogues », sur les ajustements finaux à apporter à la loi. C'est ainsi qu'ils détermineront l'avenir de la législation sur le devoir de vigilance.  

La loi sur le devoir de vigilance n'est pas la seule à faire l'objet de vives critiques. D'autres réglementations protégeant les droits humains, les droits du travail, l'environnement et le climat sont également visées.  

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Pourquoi la loi européenne sur le devoir de vigilance est-elle à nouveau menacée ?

En avril 2024, nous avons crié victoire : après des années de négociations ardues, l'UE a finalement approuvé une loi sur le devoir de vigilance des entreprises. Cette directive historique, officiellement appelée ‘Corporate Sustainability Due Diligence Directive’ (CSDDD), réglemente la manière dont les entreprises doivent lutter contre les abus dans leurs chaînes d'approvisionnement mondiales, qu'il s'agisse de chocolat, de vêtements, de pétrole ou d'électronique. La loi clarifie également la responsabilité des grandes entreprises en ce qui concerne leur impact sur les droits humains, les droits du travail, l'environnement et le climat.

Moins d'un an plus tard, l'Union européenne remet en question cette étape importante. Fin février, la Commission européenne propose un « projet de loi Omnibus » : il vise à « simplifier » plusieurs lois existantes sur la durabilité, officiellement sans toucher à l'ambition initiale de ces lois.  En pratique, l'Omnibus propose un affaiblissement inquiétant de la loi sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) et de la loi sur le devoir de diligence des entreprises (CSDDD), entre autres.

La proposition omnibus intervient dans un contexte politique de forte pression géopolitique et économique sur les institutions de l'UE. De puissants lobbies d'entreprises (non seulement au sein de l'UE mais aussi aux États-Unis) profitent de ce moment pour lancer une offensive contre les réglementations sociales et environnementales

La Commission européenne et les Etats membres démolissent la loi sur le devoir de vigilance

La proposition de loi de la Commission a été élaborée de manière bâclée et non transparente. Par exemple, la Commission a manqué à son obligation d'organiser une étude d'impact et une consultation publique au préalable, les experts ont été niés et le président français Macron et le chancelier allemand Merz ont travaillé frénétiquement à l'abolition complète de la loi. Indépendamment de la manière dont elles ont vu le jour, le contenu des propositions politiques est particulièrement inquiétant.

  •    De quelles entreprises s’agit-il ? La loi actuelle (nommée CSDD)  s’applique pour les grandes entreprises actives sur le marché européen, qui comptent au moins 1.000 employés et dont le chiffre d’affaires est supérieur 450 millions d’euros. La Commission n’a pas prévu de modifier ce champ d’application, le Conseil par contre a proposé de limiter la loi aux entreprises employant 5.000 personnes et réalisant un chiffre d’affaires d’1,5 milliard d’euros, ce qui réduit de 70% le scope des entreprises concernées.
  •    Qu’attend-on de ces entreprises ? La CSDDD exige des entreprises qu'elles fassent preuve de vigilance raisonnable, c'est-à-dire qu'elles identifient, préviennent et réduisent les impacts négatifs sur les droits fondamentaux et l’environnement liés à leurs propres activités ou à celles de leurs filiales et de leurs partenaires commerciaux (directs et indirects). La Commission et le Conseil entendent limiter le devoir de vigilance aux seuls fournisseurs directs (niveau 1) à moins que des « informations plausibles » n’indiquent qu’il existe des risques au niveau d’un partenaire commercial indirect. Cependant, les recherches montrent que lorsque l'on se limite aux partenaires commerciaux directs, 91 % des risques ne sont pas pris en compte.
  •    Que doivent faire les entreprises en ce qui concerne le climat ? La CSDDD impose aux grandes entreprises de préparer un plan de transition climatique qui aligne leur politique et leur stratégie sur les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat. La Commission et le Conseil veulent supprimer l’obligation de mettre en œuvre efficacement ce plan de transition climatique. Le Conseil souhaite également accorder aux entreprises un délai supplémentaire de deux ans pour préparer leurs plans, jusqu'en 2031.
  •    Les entreprises peuvent-elles être poursuivies en justice ? La CSDDD permettrait enfin de tenir les entreprises responsables des abus dans leurs chaines de valeur et de renforcer un accès effectif et réel à la justice et aux réparations pour les victimes La directive garantit également l'application uniforme de ces règles (par le biais d'une disposition spéciale de droit impératif), même si d'autres systèmes juridiques peuvent s'appliquer dans des affaires transnationales. La proposition Omnibus supprime ce cadre européen pour la responsabilité et la disposition spéciale de droit impératif. Le Conseil a souscrit à cette proposition. Cela signifierait que les États membres devraient chacun fixer des normes de responsabilité, créant ainsi une mosaïque de régimes juridiques fragmentés.
  •    Qui a son mot à dire sur la manière dont les entreprises évaluent et traitent leurs impacts négatifs ? La CSDDD exige des entreprises qu'elles consultent les parties prenantes à différentes étapes de l'identification, de la prévention et de l'atténuation des risques. La proposition Omnibus limite ces parties prenantes aux seules parties « directement » affectées. Elle supprime ainsi la possibilité pour les organisations de consommateurs, les institutions nationales des droits de humains, les ONG et les défenseurs des droits humains d’y participer et réduit les étapes au cours desquelles elles doivent être consultées. Le Conseil a souscrit à cette proposition.  

La question qui se pose à présent est la suivante : les responsables politiques européens vont-ils sauver la loi sur le devoir de vigilance ? Ou vont-ils se contenter de trouver des échappatoires et des subterfuges permettant aux entreprises irresponsables de continuer de sévir ? 

La balle est à présent dans le camp du Parlement européen

Après la Commission et le Conseil, c’est à présent au Parlement européen de faire une proposition.Celle-ci se fait en plusieurs étapes :

  •    La position du parlement est soigneusement préparée dans différentes commissions parlementaires expertes sur le sujet. Dans le cas du devoir de vigilance, il y a 6 commissions. Cinq commissions émettent d’abord un « avis » (ECON, INTA, ENVI, DROI, EMPL)
  •    Ensuite, la commission parlementaire en charge (JURI) fera une proposition qui sera soumise à l’assemblée plénière du Parlement. Vous pouvez voir quels député.e.s belges sont en charge à quel moment dans l'aperçu ci-dessous.
     

Et quid de l’extrême droite ?

Ce ne sont pas seulement les votes individuels des députés qui comptent, mais aussi les coalitions qu'ils forment. Les propositions les plus radicales de démantèlement de la loi sur l'obligation de soins proviennent de l'extrême droite. De même, de nombreuses propositions de démantèlement de la loi présentées par les chrétiens-démocrates (PPE) ne peuvent obtenir une majorité qu'avec l'aide de l'extrême droite ...

Quels député.es belges votent et quand ?

Commission des affaires économiques et monétaires (ECON)

  •    Avec Johan Van Overtveldt (N-VA), Marc Botenga (PTB)
  •    Vote le 15 juillet

Commission de l'emploi et des affaires sociales (EMPL)

  •   Avec Pascal Arimont (CD&V), Estelle Ceulemans (PS), Rudi Kennes (indépendant), Sara Matthieu (Groen), Liesbet Sommen (CD&V)
  •   Vote le 4 septembre

Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI)

  •    Avec Pascal Arimont (CD&V), Barbara Bonte (VB), Estelle Ceulemans (PS), Olivier Chastel (MR), Sara Matthieu (Groen), Liesbet Sommen (CD&V), Bruno Tobback (Vooruit), Yvan Verougstraete (Les Engagés)
  •   Vote le 15 juillet

Commission des affaires étrangères et Sous-commission des droits de l'homme (DROI)

  •  avec Wouter Beken (CD&V), Marc Botenga (PTB), Elio Di Rupo (PS), Assita kanko (NVA), Hilde Vautmans (Open VLD) 
  •   Vote le 15 juillet

Commission du commerce international (INTA)

  •    Avec Saskia Bricmont (Ecolo), Benoit Cassart (MR), Rudi Kennes (Onafhankelijk), Kathleen Van Brempt (Vooruit), Kris Van Dijck (N-VA
  •    Vote le 15 juillet

La commission des affaires juridiques (JURI) 

  •    Pas de Belges
  •    Vote le 13 octobre 
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L’avenir de la loi se joue maintenant !

Les députés belges sont-ils à la hauteur de l'enjeu ?

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