La faim pourrait faire plus de victimes que le coronavirus
Bien avant le début de la pandémie de COVID-19, la faim progressait déjà dans le monde. Mais le coronavirus s'est ajouté aux effets des conflits, de la montée des inégalités et de l'escalade de la crise climatique pour secouer un système alimentaire mondial déjà brisé, laissant des millions de personnes au bord de la famine. Un nombre qui risque de doubler par rapport à 2019, selon un rapport d’Oxfam publié aujourd’hui.
Le ralentissement spectaculaire de l'économie mondiale, conjugué à de sévères restrictions à la circulation, a entraîné des pertes massives d'emplois au cours des derniers mois. Sans revenu ni soutien social, des millions de personnes n'ont plus de quoi s’acheter à manger.
Les restrictions de déplacements imposées pour contenir la propagation du coronavirus ont eu des conséquences graves pour les producteurs et les productrices agricoles. Il.elle.s n’ont pas pu semer ou récolter, accéder aux marchés pour vendre leurs produits ou encore acheter des semences et des outils.
Une crise de la faim qui touche particulièrement les femmes
Les femmes jouent un rôle essentiel dans le système alimentaire mondial en tant que productrices, travailleuses sur les plantations et ouvrières dans les usines de transformation. En général, elles sont également en charge d’acheter et de cuisiner la nourriture pour leur famille. Pourtant, sur chaque continent, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à souffrir de malnutrition.
Et pour cause, elles sont confrontées à des discriminations tout au long de leur vie. Elles gagnent moins que les hommes et ne peuvent souvent pas être propriétaires de terres.
Le coronavirus nous fait beaucoup de mal. Nourrir mes enfants devient difficile. Nous sommes totalement dépendants de la vente de lait, et avec la fermeture des marchés, nous ne pouvons plus le vendre. Si nous ne vendons pas de lait, nous ne mangeons pas.
Kadidia Diallo, productrice de lait au Burkina Faso
La faim pourrait tuer 12.000 personnes par jour
Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que le nombre de personnes confrontées à une crise aigüe de faim atteindra 270 millions avant la fin de l'année, soit une augmentation de 80% depuis 2019 en raison de la pandémie. Cela signifie qu'avant la fin de l'année, entre 6.000 et 12.000 personnes pourraient mourir de faim chaque jour à cause des répercussions sociales et économiques de la pandémie, soit potentiellement plus que les victimes du virus d’ici fin 2020.
Oxfam a identifié 10 foyers de famine extrême, où la crise alimentaire est la plus aiguë et s’aggrave de jour en jour à cause de la pandémie. Le Yémen, la République démocratique du Congo, l’Afghanistan, le Venezuela, le Sahel et les pays d’Afrique de l’Ouest, l’Éthiopie, le Soudan, le Soudan du Sud, la Syrie et Haïti concentrent 65 % des personnes souffrant de la faim à un niveau critique dans le monde. Même dans des pays à revenu intermédiaire comme l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil, des millions de personnes basculent dans la famine.
Climat, conflits, inégalités : les racines de la faim
La crise climatique exacerbe la faim dans tous les foyers de famine extrême. La hausse des températures, la multiplication et l’imprévisibilité des sécheresses et des inondations sont désastreuses pour la production alimentaire.
A côté de cela, les conflits sont à la fois l’une des principales causes et l’une des conséquences majeures des pénuries alimentaires. 60 % des 821 millions de personnes confrontées à l’insécurité alimentaire dans le monde vivent dans des pays touchés par un conflit. Par ailleurs, les inégalités économiques, renforcées par la crise du COVID-19, plongent des millions de personnes dans la pauvreté.
Les géants de l’agroalimentaire continuent d’engranger des profits
Le rapport d’Oxfam met aussi en lumière un système alimentaire qui a plongé des millions de personnes dans la faim sur une planète qui produit pourtant suffisamment pour nourrir tout le monde.
Un système qui a permis aux 10 géants mondiaux de l’agroalimentaire de verser plus de 18 milliards de dollars à leurs actionnaires depuis début 2020, alors même que le COVID-19 s’abattait sur l’ensemble de la planète. Cette somme est 10 fois supérieure à l’appel de fonds des Nations Unies pour soutenir l’agriculture et apporter une aide alimentaire face à la crise du coronavirus.
6 mesures cruciales pour combattre la faim
Selon Oxfam, les gouvernements doivent intervenir de toute urgence pour contenir la propagation du virus mais aussi pour mettre un terme à cette crise de la faim. Comment ?
- En finançant intégralement l’appel humanitaire des Nations Unies
- En construisant un système alimentaire plus durable, plus équitable et plus résilient
- En favorisant la participation et le leadership des femmes dans les décisions prises pour un meilleur système alimentaire
- En annulant la dette des pays en développement pour leur permettre de financer des mesures de protection sociale
- En soutenant l’appel des Nations Unies en faveur d’un cessez-le-feu mondial
- En prenant des mesures urgentes pour lutter contre la crise climatique
Oxfam en première ligne
A travers le monde, Oxfam est aux côtés des petit.e.s producteurs et productrices pour les aider à faire face au changement climatique, à améliorer leurs rendements et l’accès au marché. Dans de nombreux pays, Oxfam organise également des distributions de nourriture ou de coupons alimentaires afin de permettre à des centaines de milliers de personnes de se procurer à manger.
Depuis le début de la pandémie, nous travaillons avec nos partenaires pour sauver des vies et empêcher la propagation du virus. Notre assurons un accès à l’eau et des conditions d'hygiène dignes aux personnes en difficulté pour réduire le nombre d'infections. Ce travail et est au cœur de nos programmes humanitaires depuis des décennies.