Communiqué de presse13 janvier 2023

Forum de Davos : Les 1% les plus riches ont capté près de deux fois plus de richesses que le reste du monde au cours des deux dernières années 

En Belgique, les 1% les plus riches possèdent près d'un quart de toutes les richesses du pays, soit plus que 70% de la population nationale.

  • Les 1% les plus riches ont accaparé près des deux tiers de l'ensemble des nouvelles richesses créées depuis 2020, soit 42 000 milliards de dollars.
  • La fortune des milliardaires augmente de 2,7 milliards de dollars par jour, tandis qu'au moins 1,7 milliard de travailleurs vivent désormais dans des pays où l'inflation dépasse la hausse des salaires. 
  • Une taxe allant jusqu'à 5 % sur les multimillionnaires et les milliardaires du monde entier pourrait rapporter 1 700 milliards de dollars par an, ce qui suffirait à sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté. 

D’après le dernier rapport d’Oxfam, publié à l’occasion du Forum Économique Mondial (FEM) de Davos, les 1 % les plus riches se sont emparés de près des deux tiers de toutes les nouvelles richesses - d'une valeur de 42 000 milliards de dollars - créées depuis 2020. C’est presque deux fois plus que les richesses accumulées par les 99% restants. De plus, il ressort du rapport qu’au cours des dix dernières années, les 1 % les plus riches ont capté environ la moitié de toutes les nouvelles richesses. En Belgique, les 1% les plus riches concentrent près d'un quart de toutes les richesses entre leurs mains. C'est plus que la richesse combinée de 70% de la population nationale. 

Le rapport d’Oxfam intitulé « Survival of the Richest » est publié le jour de l'ouverture du Forum économique mondial de Davos, en Suisse. Tandis que les « élites » de ce monde se réunissent dans la station de ski suisse, l'extrême richesse et l'extrême pauvreté ont augmenté simultanément pour la première fois en 25 ans.  

« Alors que le pouvoir d’achat de l’immense majorité de la population mondiale est en baisse, la concentration des richesses aux mains des super-riches atteint des niveaux inégalés. En seulement deux ans, cette décennie s'annonce comme la meilleure pour les milliardaires », observe Julien Desiderio, chargé de plaidoyer en justice fiscale pour Oxfam Belgique.  

« L'imposition des super-riches et des grandes entreprises est la seule option logique pour contrebalancer les effets des multiples crises que nous connaissons. Il est temps de déconstruire le mythe selon lequel les réductions d'impôts accordées aux plus riches ont pour effet de faire profiter tout le monde de leur richesse. Les quarante dernières années de réductions d'impôts pour les super-riches n’ont sorti personne de la pauvreté. Les seuls qui parviennent à garder la tête hors de l’eau, ce sont les super-riches, confortablement installés dans leurs yachts ».

La fortune des milliardaires atteint des records 

La richesse des milliardaires a augmenté de façon extraordinaire depuis 2020, une période marquée par la crise sanitaire et l’augmentation du coût de la vie. Les 1% les plus riches ont capté 26 000 milliards de dollars de toutes les nouvelles richesses créées (63%), tandis que 16 000 milliards de dollars (37%) sont allés au reste de la population mondiale. Cela veut dire qu’un milliardaire a gagné environ 1,7 million de dollars pour chaque dollar gagné par une personne dans le groupe des 90 pour cent les moins nantis.  

L’ampleur de la concentration des richesses est telle que la fortune des milliardaires a augmenté de 2,7 milliards de dollars par jour. Ces chiffres s'ajoutent à une décennie de gains historiques au cours de laquelle le nombre et la richesse des milliardaires ont doublé.  

2022 marquée par des profits exceptionnels, en Belgique aussi 

La fortune des milliardaires a bondi en 2022, notamment grâce à des profits exceptionnels dans les secteurs de l'alimentation et de l'énergie. Le rapport montre que 95 entreprises actives dans ces deux secteurs ont plus que doublé leurs bénéfices en 2022. Ils ont réalisé 306 milliards de dollars de bénéfices exceptionnels et 84% de ces derniers ont été reversés à leurs actionnaires, soit 257 milliards de dollars.  

En Belgique aussi, la concentration des richesses se porte bien. Eric Wittouck, le Belge le plus riche (résidant à Monaco), a reçu un dividende record de plus de 2 milliards d'euros d'une de ses sociétés basées au Luxembourg. Cette situation ne concerne que les plus aisés, puisque seulement 10% des Belges possèdent 80% du total des actions.  

Augmentation de la pauvreté, creusement des inégalités 

Dans le même temps, au moins 1,7 milliard de travailleurs et de travailleuses vivent aujourd'hui dans des pays où l'inflation dépasse l’augmentation des salaires, et plus de 820 millions de personnes - soit environ une personne sur dix - souffrent de la faim. Une fois de plus, les femmes sont les plus touchées : elles représentent 60 % de la population mondiale en situation de malnutrition. En Belgique, 19 % de la population est considérée comme exposée au risque de pauvreté ou d'exclusion sociale en 2021. Un chiffre qui devrait augmenter en raison de la crise du coût de la vie.  

Selon la Banque mondiale, nous assisterons probablement à la plus forte augmentation des inégalités et de la pauvreté dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale. Certains pays sont menacés de faillite, les pays les plus pauvres consacrant désormais quatre fois plus de budget au remboursement de la dette qu’aux soins de santé. Les trois quarts des gouvernements du monde prévoient de réduire les dépenses publiques en raison de l'austérité - notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation, un impact estimé par Oxfam à 7.800 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.  

Pour une augmentation de grande ampleur sur la fiscalité des super-riches  

Oxfam appelle à une augmentation systémique et de grande ampleur de la fiscalité sur les super-riches afin de récupérer les gains réalisés lors des crises sanitaire et énergétique, des gains notamment engrangés grâce aux aides massives consenties par les pouvoirs publics. Le rapport rappelle que des décennies de réductions d'impôts sur les plus riches et les entreprises ont alimenté les inégalités, les personnes les plus pauvres de nombreux pays étant soumis à des taux d'imposition plus élevés que les milliardaires.  

Elon Musk, l'un des hommes les plus riches du monde, a été soumis à un taux d’imposition réel d'environ 3 % entre 2014 et 2018. A contrario, Aber Christine, vendeuse de farine en Ouganda, gagne 80 dollars par mois et paie un taux d'imposition de 40 %. 

À l'échelle mondiale, pour chaque dollar soumis à l’impôt, seuls quatre centimes proviennent d’impôts sur la fortune. La moitié des milliardaires de la planète vivent dans des pays qui n’appliquent pas de droits de succession sur leurs descendants directs. En d’autres termes, ils et elles transmettront à leurs héritiers une immense fortune, exonérée d'impôts, évaluée à 5 000 milliards de dollars, soit plus que les PIB combinés de tous les pays d'Afrique. De quoi créer une nouvelle génération d'élites aristocratiques. Les revenus des riches sont pour la plupart issus du rendement de leurs actifs, et sont taxés en moyenne à 18 %, soit environ la moitié du taux d'imposition maximal moyen sur les salaires. 

Le rapport montre que les impôts sur les plus riches étaient autrefois beaucoup plus élevés. Au cours des quarante dernières années, les gouvernements d'Afrique, d'Asie, d'Europe et d'Amérique ont réduit les taux d'imposition sur le revenu des plus riches. Dans le même temps, ils ont augmenté les taxes sur les biens et les services, qui pèsent de manière disproportionnée sur les personnes les plus pauvres et exacerbent les inégalités de genre. Dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, le taux d'imposition fédéral sur le revenu le plus élevé aux États-Unis est resté supérieur à 90 % et a atteint en moyenne 81 % entre 1944 et 1981. Dans d'autres pays riches, des niveaux d'imposition similaires ont été mis en place pendant certaines des années les plus fastes de leur développement économique et ont joué un rôle clé dans l'élargissement de l'accès aux services publics tels que l'éducation et les soins de santé. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement belge a instauré un impôt sur la fortune de 5 % et une taxe sur les bénéfices exceptionnels qui lui ont permis de payer 20 % de la dette totale du pays. 

D’après une nouvelle étude réalisée par la Fight Inequality Alliance, l’Institute for Policy Studies, Oxfam et les « Milliardaires patriotes », un impôt annuel sur la fortune de 5 % sur les multimillionnaires et les milliardaires du monde entier pourrait rapporter 1 700 milliards de dollars par an, ce qui suffirait à sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté, à financer entièrement les déficits des appels humanitaires existants, à mettre en œuvre un plan décennal d'éradication de la faim, à soutenir les pays les plus pauvres ravagés par les impacts climatiques et à offrir des soins de santé et une protection sociale universels à toute personne vivant dans des pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur. 

Oxfam appelle le gouvernement belge à :  

  • Instaurer un impôt unique de solidarité sur la fortune et étendre le champ d'application des impôts sur les bénéfices exceptionnels pour mettre fin aux profiteurs de crise. 
  • Taxer le patrimoine des 1% les plus riches à des taux progressifs afin de redistribuer ces ressources pour financer la relance, la transition écologique et les services publics. Cela inclut l'impôt sur les plus-values, les droits de succession, les taxes foncières et immobilières, ainsi que l'impôt sur la fortune nette. 
  • Pour protéger le fonctionnement de nos démocraties et mettre un terme à l'impunité dont bénéficient les super-riches, il est également nécessaire de refinancer la justice et d'investir des moyens importants dans la lutte contre la fraude fiscale, l'évasion fiscale et la corruption. La lutte contre la criminalité financière doit être une priorité. 

Notes aux rédactions 

  • Le rapport "La loi du plus riche", ainsi que la méthodologie décrivant comment Oxfam a calculé les chiffrés présentés dans le rapport, sont accessibles ici
  • Julien Desiderio, expert en justice fiscale chez Oxfam Belgique est disponible pour toute question.  
  • Les calculs d'Oxfam sont basés sur les données les plus récentes et les plus complètes disponibles. Les chiffres concernant les personnes les plus riches de la société proviennent de la liste des milliardaires de Forbes. 
  • Tous les montants sont exprimés en dollars américains et, le cas échéant, ont été ajustés pour tenir compte de l'inflation en utilisant l'indice des prix à la consommation américain 
  • D’après la Banque mondiale, l'extrême pauvreté a augmenté en 2020 pour la première fois en 25 ans. Dans le même temps, l'extrême richesse a augmenté de manière spectaculaire depuis le début de la pandémie.  
  • Le rapport montre que si les 1 % les plus riches ont accaparé 54 % de la nouvelle richesse mondiale au cours de la dernière décennie, ce chiffre s'est accéléré pour atteindre 63 % au cours des deux dernières années. 42 000 milliards de dollars de nouvelles richesses ont été créés entre décembre 2019 et décembre 2021. 26 000 milliards de dollars (63%) ont été capturés par les 1 % les plus riches, tandis que 16 000 milliards (37%) de dollars sont allés aux 99 % restants. Selon le Crédit Suisse, les personnes disposant de plus d'un million de dollars de richesse font partie de la tranche supérieure des 1 % les plus riches. 
  • La classe des milliardaires est plus riche de 2 600 milliards de dollars qu'avant la pandémie, même si la fortune des milliardaires a légèrement diminué en 2022 après avoir atteint un pic record en 2021. Les super-riches voient maintenant leur fortune remonter.  
  • Aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, des études ont révélé que respectivement 54 %, 59 % et 60 % de l'inflation, était due à l'augmentation des bénéfices des entreprises. En Espagne, la CCOO (l'un des plus grands syndicats du pays) a constaté que les bénéfices des entreprises sont responsables de 83,4 % des augmentations de prix au cours du premier trimestre de 2022. 
  • La Banque mondiale a annoncé que le monde ne sera pas en mesure d'éliminer la grande pauvreté d'ici à 2030, l'horizon visé par l'Assemblée générale des Nations unies dans le cadre de ses objectifs de développement durable adoptés en 2015. Toujours d’après elle, nous assisterons probablement à la plus grande augmentation des inégalités depuis la Seconde Guerre mondiale. D’après la Banque mondiale, toute personne qui dispose de moins de 2,15 dollars par jour est considérée comme vivant dans l'extrême pauvreté. 

 

La loi du plus riche

Lisez notre rapport Davos 2023

Droite