Communiqué de presse23 mai 2022

Davos : La hausse du coût des biens essentiels menace de faire basculer 263 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté extrême en 2022

Au même moment, les milliardaires des secteurs de l'agroalimentaire et de l’énergie en route pour Davos voient leur fortune gonfler à hauteur d'un milliard de dollars tous les deux jours.

« Les milliardaires arrivent à Davos pour célébrer la hausse extraordinaire de leur fortune. La pandémie, et maintenant la flambée des prix des denrées alimentaires et de l'énergie, ont tout bonnement été une aubaine pour eux. En même temps, on observe un recul des progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté extrême au fil des dernières décennies et des millions de personnes sont confrontées à l'augmentation insoutenable du prix à payer pour simplement rester en vie », déclare Eva Smets, directrice générale d'Oxfam Belgique.

Le rapport d’Oxfam montre en particulier que les entreprises des secteurs de biens essentiels, tel que les secteurs pharmaceutiques, de l'énergie et de l'agroalimentaire (dans lesquels les monopoles sont monnaie courante) engrangent des profits records.

La richesse des milliardaires des secteurs de l'agroalimentaire et de l'énergie a augmenté de 453 milliards de dollars ces deux dernières années, soit 1 milliard tous les deux jours. Cinq des plus grandes entreprises de ces secteurs (BP, Shell, TotalEnergies, Exxon et Chevron) engrangent ensemble 2 600 dollars de profit par seconde. Il y a désormais 62 nouveaux milliardaires dans le secteur de l'agroalimentaire. Aux côtés de seulement trois autres entreprises, la famille Cargill – qui compte à elle seule 12 milliardaires - contrôle 70 % du marché agricole mondial. L'année dernière, Cargill a enregistré les bénéfices les plus importants de son histoire (avec un revenu net de 5 milliards de dollars) et l'entreprise devrait battre ce record à nouveau en 2022.

Du Sri Lanka au Soudan, les hausses records des prix des denrées alimentaires engendrent des bouleversements sociaux et politiques. 60 % des pays à faible revenu sont au bord du surendettement. Les populations des pays les plus pauvres dépensent dans l'alimentation une part de leurs revenus deux fois plus élevée que celles des pays riches. L’inflation est aussi une réalité dans les pays riches comme la Belgique. Dans notre pays, les prix ont augmenté de 9,3% en mars par rapport à l’année dernière. Une augmentation largement menée par les prix de l’énergie, en hausse de 64,8% depuis 2021. En parallèle, cette hausse des prix de l'énergie devrait générer 200 milliards € de surprofits pour les entreprises du secteur en Europe.

Alors que l'inflation gonfle partout, l'augmentation des prix est particulièrement dévastatrice pour les travailleurs et travailleuses à bas salaire dont la santé et les moyens de subsistance étaient déjà vulnérables face à la COVID-19. Cela concerne en particulier les femmes et les personnes racisées et marginalisées. Ainsi en Amérique latine et dans les Caraïbes, l'informalité élevée et la lourde charge de travail de soin non rémunéré ont extrait 4 millions de femmes de la population active. Aux États-Unis, la moitié des femmes racisées au sein de la population active gagnent moins de 15 dollars de l'heure.

« Après plus de deux ans de pandémie ayant entraîné plus de 20 millions de décès estimés et une destruction économique généralisée, les responsables politiques présent·es à Davos doivent choisir : agir en tant que mandataires des milliardaires qui pillent leurs économies, ou prendre des mesures ambitieuses dans l'intérêt de la vaste majorité. »

Oxfam adresse les recommandations suivantes aux gouvernements :

  • Mettre en place des impôts permanents sur la fortune afin de réguler le pouvoir monopolistique et les émissions de carbone démesurées des plus riches et de redistribuer l'extrême richesse à travers des mesures sociales de soutien à la population. En Belgique, une étude de la KU Leuven a testé plusieurs propositions, dont un impôt progressif sur les fortunes de plus de 1 million qui permettrait de récolter 20,3 milliards d’euro soit l’équivalent du coût total des aides Covid-19 en 2020.
  • L’Italie a récemment décidé d'établir une contribution exceptionnelle de solidarité sur le secteur de l’énergie à hauteur de 25% pour financer un grand plan d’aide à sa population, et l’Argentine envisage un impôt similaire. Oxfam propose d’introduire un impôt sur les bénéfices excédentaires de 90 % afin de récupérer les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises, toutes industries confondues, ainsi que des impôts exceptionnels de solidarité sur les richesses amassées pendant des crises comme la pandémie par les milliardaires. Selon les estimations d'Oxfam, un tel impôt sur seulement 32 multinationales extrêmement prospères aurait pu générer 104 milliards de dollars de recettes en 2020.
  • Mettre fin à la concentration de pouvoir des entreprises agro-industrielles dans les systèmes alimentaires en soutenant résolument les petit.es producteurs et productrices et les marchés territoriaux pour diminuer la pauvreté dans les régions rurales.
  • Renforcer la transparence des marchés agricoles, y compris les investissements, stocks et profits des entreprises privées, et la régulation de la spéculation financière sur les marchés de matières premières agricoles en effectuant un audit public des produits financiers

« La fortune des milliardaires n'a pas augmenté parce qu'ils sont plus intelligents ou travaillent plus dur. Et les travailleuses et travailleurs en situation précaire ne travaillent pas moins. L'augmentation de la richesse et l'augmentation de la pauvreté sont indissociables. Elles prouvent que notre système économique fonctionne exactement tel que les personnes riches et puissantes l'ont voulu : ils se sont emparés d'une part révoltante des richesses mondiales par le biais de privatisations et de monopoles, en saccageant les régulations et les droits des travailleurs et des travailleuses et en dissimulant leur argent dans des paradis fiscaux, le tout avec la complicité des gouvernements.

Pendant ce temps, des millions de personnes sautent des repas, éteignent le chauffage, ne parviennent plus à payer leurs factures et se demandent comment diable survivre. Chaque minute qui passe en Afrique de l'Est, une personne risque de mourir de faim. Ces inégalités grotesques brisent les liens qui nous unissent en tant qu'humanité. Elles sont clivantes, corrosives et dangereuses. »

Notes aux rédactions

  • Notre porte-parole est disponible pour toute question.
  • Les données sur les personnes les plus fortunées de la société proviennent du classement des milliardaires de Forbes.
  • Toutes les sommes sont exprimées en dollars des États-Unis et, le cas échéant, ont été ajustées en utilisant le taux d'inflation de l'indice des prix à la consommation des États-Unis.
  • La Banque mondiale fixe l'extrême pauvreté au seuil de moins de 1,90 dollar par jour.
  • Selon les estimations d'Oxfam et de Save the Children, une personne meurt probablement de faim toutes les 48 secondes en Éthiopie, au Kenya et en Somalie, des pays ravagés par la sécheresse.
  • La moitié des femmes noires au sein de la population active aux États-Unis gagnent moins de 15 dollars de l'heure. Cela ne suffit pas à couvrir le coût de la vie pour la plupart des ménages et pousse des millions de familles aux États-Unis sous le seuil de pauvreté.

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