Indice de l’engagement à réduire les inégalités d’Oxfam : les gouvernements n’en font pas assez pour combattre les inégalités, la 4° place de la Belgique sauvée par sa protection sociale
95% des 161 pays analysés ont gelé, voire réduit, les impôts sur les personnes et les entreprises les plus riches ; la Belgique également pointée du doigt
Les pays riches comme les pays à faible revenu ont exacerbé l'explosion des inégalités économiques depuis le déclenchement de la pandémie, à partir de 2020. D’après les résultats de l’étude menée par Oxfam et Development Finance International (DFI), les gouvernements ont réduit leurs dépenses en matière de santé, d'éducation et de protection sociale, tout en refusant d'augmenter les impôts sur les surprofits et la richesse galopante et d'augmenter les salaires minimums.
L’Indice de l’engagement à la réduction des inégalités 2022 (Indice ERI) est la première analyse détaillée portant sur les politiques et les actions de réduction des inégalités que 161 gouvernements ont mené durant les deux premières années de la pandémie.
L’indice montre que, même durant la pire urgence sanitaire que le monde ait connue depuis un siècle, la moitié des pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure ont réduit leurs dépenses de santé pendant la pandémie. Près de la moitié des pays étudiés, soit 77 gouvernements, ont réduit la part des dépenses de protection sociale et 70% ont revu à la baisse la part des dépenses d’éducation.
Alors que les taux de pauvreté se sont élevés à des niveaux record et que les travailleurs et travailleuses éprouvaient de grandes difficultés à faire face à la plus importante inflation de la décennie, les deux tiers des gouvernements du monde n’ont pas augmenté le salaire minimum en fonction de la croissance du PIB. Malgré les très fortes pressions financières auxquelles ils étaient soumis, 143 pays sur 161 ont gelé les taux d’imposition de leurs contribuables les plus riches, et 11 pays les ont même réduits.
L’indice ERI 2022
- La Norvège est en tête du classement comme en 2020, suivie de l'Allemagne et de l'Australie, qui passe de la 16e à la 3e place.
- La France a chuté de dix places dans l’indice après avoir réduit les taux d’imposition des entreprises et supprimé totalement l’impôt sur la fortune en 2019.
- Bien que la Belgique conserve sa 4e place, le CRI démontre d’une part que le système historique de protection sociale belge lui permet de réduire préventivement les inégalités sociales et doit donc être protégé et renforcé, et d’autre part que la Belgique a encore beaucoup d'efforts à faire pour assurer une réelle progressivité de l'impôt.
« Le classement de la Belgique dans l'indice illustre clairement que les dépenses sociales restent un outil majeur pour lutter contre les inégalités dans notre pays. La Belgique doit sa 4e place à cet héritage majeur. En 2020, la Belgique consacrait 38,41 % de son budget total à la protection sociale, et le congé de naissance du deuxième parent est passé en 2021 à 15 jours. La pandémie a démontré à quel point un système de protection sociale fort est essentiel pour garantir un filet de sécurité aux personnes les plus désavantagées socio-économiquement, et il est donc plus que jamais urgent de protéger et de renforcer ce système dans notre pays. Pour ce faire, nous devons le financer par une fiscalité équitable », a déclaré Aurore Guieu, responsable du plaidoyer chez Oxfam Belgique.
Malgré une 4e place, les inégalités fiscales tirent la Belgique vers le bas
Malgré sa 4e place dans l’indice ERI, la Belgique est pointée du doigt pour ses mécanismes qui contribuent à rendre la fiscalité inéquitable. Actuellement, le système fiscal taxe peu les revenus du capital en comparaison des revenus du travail. Par exemple, les dividendes sont censés être taxés à 30% alors que dans les faits, en 2021 par exemple, sur les 66 milliards de dividendes versés, 52 milliards d’euros de dividendes ont été imposés au taux zéro. Les recettes du précompte mobilier sur les dividendes s’élevaient donc à 2,8 milliards d’euros à peine en 2021.
Par ailleurs, la Belgique est l’un des seuls pays européens à ne pas taxer les plus-values. Ainsi, on peut revendre ses parts et ses actions dans une société, devenir milliardaire et ne pas payer un seul centime d’impôt sur les plus-values réalisées. Il n’y a pas non plus de véritable impôt sur la fortune en Belgique. En parallèle, les revenus du travail des bas et moyens revenus, qui constituent bien souvent la principale source de revenus des ménages concernés, sont taxés très rapidement aux tranches supérieures.
Ces tendances combinées tendent à accélérer la concentration des richesses en Belgique où, selon la KU Leuven, les 1% les plus riches détiennent 24% de la richesse totale. En parallèle, on constate également que l’impôt des sociétés a diminué de 33% à 25% ces dernières années, illustrant la course au moins disant fiscal que l’on connaît depuis de nombreuses années. L'impôt sur les sociétés est en moyenne de 25,2 % dans les pays à revenu faible et moyen inférieur, donc la Belgique peut et doit faire mieux. La Belgique apparaît d’ailleurs dans l’ERI dans le top 10 des pays ayant diminué la taxation des entreprises. Dans le même temps, la Belgique a octroyé l’équivalent de près de 21,5 milliards € de subventions au secteur pharmaceutique entre 2010 et 2020. « Si on veut réduire les inégalités et mieux redistribuer les richesses en Belgique, nous avons besoin d’un système fiscal plus progressif, où celles et ceux qui gagnent le plus contribuent le plus », remarque Aurore Guieu, responsable du plaidoyer chez Oxfam Belgique.
Freiner l'explosion des inégalités
Certains pays, notamment ceux à revenu faible ou intermédiaire, ont pris des mesures ambitieuses pour réduire les inégalités, démontrant ainsi qu'il est tout à fait possible d'agir :
- Le Costa Rica a augmenté de 10% son taux supérieur d’impôt sur le revenu et la Nouvelle-Zélande de 6 %.
- Le Territoire palestinien occupé a augmenté les dépenses sociales pour les porter de 37 à 47 % de l'ensemble de son budget.
- Les Maldives ont introduit pour la première fois un salaire minimum à l’échelle nationale.
Les pays à faible revenu sont aux prises avec une économie mondiale dans laquelle il leur est de plus en plus difficile de répondre aux besoins de leur population. Les pays riches, qui ont injecté des milliers de milliards de dollars à leur économie, n’ont pas augmenté l’aide au développement durant la pandémie. En outre, les nouvelles mesures d’austérité poussées par le FMI en vue de réduire les dettes et les déficits budgétaires exacerbent davantage les inégalités économiques et la pauvreté dans les pays à faible revenu. L’étude d’Oxfam et de DFI montre que, sur la base des données fournies par le FMI, les trois quarts des pays du monde prévoient de diminuer davantage leurs dépenses publiques au cours des cinq prochaines années, ce qui représenterait une réduction de 7800 milliards de dollars. Pour chaque dollar consacré à des dépenses de santé, les pays à faible revenu en paient quatre pour rembourser leurs riches créanciers.
« Plutôt que de porter sur la gestion des conséquences économiques de la COVID-19, le débat a dramatiquement dévié vers la réduction brutale des dépenses publiques et le gel des salaires pour réduire la dette. Alors que les ministres des Finances s’apprêtent à se réunir à Washington à l’occasion des assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, nous devons nous réveiller et tirer les leçons de nos erreurs passées. La réduction des inégalités est une mesure parfaitement réalisable qui relève du bon sens. Les inégalités sont un choix politique, les gouvernements doivent cesser de privilégier les plus riches, au détriment du reste de la population », conclut Aurore Guieu.
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