
L’impact politique d’Oxfam en 2024 (3/4): une transition écologique juste pour tous et toutes
Rencontre avec Alba Saray Pérez Terán, chargée de plaidoyer en justice climatique chez Oxfam Belgique. Elle nous explique comment Oxfam a contribué à ce que l’Union Européenne adopte des mesures plus décoloniales et féministes dans la transition écologique.
En juillet 2024, le Conseil européen, sous la présidence belge, a approuvé un document de position concernant la transition juste. Grâce au travail commun de nombreux acteurs et actrices dont Oxfam, ce texte fait explicitement référence à des revendications féministes et décoloniales. Il déclare que la transition écologique ne doit pas accentuer les inégalités mondiales mais qu’au contraire doit prendre en compte les besoins de tou.te.s.
Pourquoi est-ce primordial que la transition écologique soit « juste », qu’est-ce que ça signifie ?
Alba Saray Pérez Terán : « Lorsque l’on parle la crise climatique, on sait qu’on va devoir opérer une transition au niveau de l’énergie, des transports, de l’agriculture etc. Une transition juste, c’est s’assurer que la transition n’aggrave pas les inégalités. On veut veiller à ce que la réduction de nos émissions n’entraîne pas l’oppression d’autres sociétés ou groupes sociaux comme les femmes. Par exemple, si on utilise des voitures moins polluantes en Belgique mais que l’électrification de notre réseau automobile entraine la violation du droit des travailleurs et travailleuses en République Démocratique du Congo (via l’exploitation des minéraux utilisés pour les batteries des voitures électriques), ce n’est pas du tout une transition juste.
La transition doit être intersectionnelle, c’est-à-dire qu’elle doit prendre en compte les besoins de tous les groupes sociaux, notamment ceux qui subissent des discriminations cumulées, comme le fait d’être femme et en situation de handicap par exemple. »
POurquoi les femmes sont plus impactées par la crise climatique ?

On veut veiller à ce que la réduction de nos émissions n’entraîne pas l’oppression d’autres sociétés ou groupes sociaux comme les femmes.
Alba Saray Pérez Terán, chargée de plaidoyer en justice climatique chez Oxfam Belgique.
Comment sommes-nous arrivé.es à inscrire le concept de « transition juste » au niveau de la loi européenne ?
Alba Saray Pérez Terán : «Ce fût un travail collectif ! Derrière cette victoire se cache un travail quotidien et de longue haleine en collaboration avec les syndicats, des acteurs et actrices de la société civile et d’autres organisations. Par exemple, Oxfam fait partie du Conseil Consultatif Genre et Développement qui a organisé une conférence en 2023 où nous avons été invité.e.s à parler des perspectives féministes dans le volet international de la transition climatique.
Aussi, ces conclusions du Conseil ont été adoptées sous présidence belge de l’Union Européenne. La ministre de l'Environnement et du développement durable a réalisé une série de consultations autour de la transition juste où Oxfam a participé que ça soit par le biais de documents de position avec la Coalition Climat et des Conseils, de consultations présentielles ou d’avis écrits. Tout ce travail en amont a été primordial. La Belgique a également organisé une conférence européenne autour de la transition juste avec des états membres et des acteurs de différents secteurs. Lors de cette conférence, Oxfam s’est assurée de faire prévaloir l’adage « nothing about us without us”, c’est-à-dire de consulter le travail des personnes et organisations concernées et expertes par ces thématiques, comme celui de WECF (Women Engage for a Common Future).
Tous ces éléments ont créé un espace fertile pour adopter un texte ambitieux, même si on pour adopter un texte ambitieux, même si on peut aller encore bien plus loin dans les revendications féministes et décoloniales ! »
Lorsque nous sommes en contact avec les décideur.euse.s politiques, nous tenons notre position en martelant nos valeurs et principes sans relâche.
Alba Saray Pérez Terán, chargée de plaidoyer en justice climatique chez Oxfam Belgique.
Est-ce justement là la force d’Oxfam, de disposer de tant de leviers d’action ?
Alba Saray Pérez Terán : Oui. Notre force réside dans nos interactions avec plusieurs niveaux de pouvoir tant au niveau local qu’européen et dans notre travail en collaboration. Toutes ces plateformes comme la Coalition Climat, le Conseil Consultatif Genre et Développement ou le Conseil Fédéral pour le Développement Durable sont des espaces de pollinisation croisée, où on développe des demandes de manière collective. Ensuite, nous utilisons ce travail et ces ressources dans les espaces privilégiés auxquels nous avons accès. Si nous n’avons pas accès, alors nous faisons en sorte de créer ces espaces, ces rencontres, ces accès.
Lorsque nous sommes en contact avec les décideur.euse.s politiques, nous tenons notre position en martelant nos valeurs et principes sans relâche. Mais il faut encore comprendre le calendrier politique pour amener le bon message au bon moment : voilà toute la stratégie !
Pourquoi est-ce important que ces questions de transition juste soient traduites dans des documents politiques ? Qu’est-ce que ça change concrètement ?
Alba Saray Pérez Terán : Grâce à ces conclusions du Conseil, on s’assure que la transition écologique soit un outil pour réduire les inégalités et que personne ne soit laissé de côté. On double la transition d’un plan social qui cible les bonnes personnes.
Les Etats Membres de l’Union Européenne se sont mis d’accord pour aller dans la direction d’une transition juste, c’est une prise de position officielle. Ça a des implications très concrètes, par exemple lors de la COP29, ce texte a été utilisé comme base des négociations pour l’Union Européenne.