Une approche féministe et intersectionnelle de la justice climatique
Les femmes et les personnes LGBTQIA+ sont davantage touchées par la crise climatique alors qu’elles en sont globalement les moins responsables. Leurs points de vue ne sont pourtant pas pris en compte dans les politiques de réduction d’émissions.
Les effets de la crise climatique impactent tout le monde, mais disproportionnellement les femmes et les personnes LGBTQIA+. En raison d’inégalités structurelles entre les genres, les femmes et les personnes LGBTQIA+ bénéficient d’un accès moindre aux ressources financières, à la terre, à l’éducation, au pouvoir politique et aux soins de santé. Or, ces inégalités réduisent leur résilience face aux effets du dérèglement climatique.
Quelques exemples du lien entre crise climatique et inégalités de genre :
Inégalités en termes de responsabilité :
- En Europe, les hommes consomment au quotidien en moyenne 8 à 40% d’énergie supplémentaire que les femmes.
- Une étude portant sur les émissions liées au mode de vie de 20 milliardaires (18 hommes, tous blancs) a révélé que chacun d'entre eux produisait en moyenne plus de 8 000 tonnes de CO2 en un an.
- 2/3 des voitures de société sont utilisées par des hommes.
Inégalités en termes de conséquences :
- Alors que les hommes travaillent plus souvent en dehors du foyer, les femmes qui restent à la maison ne reçoivent pas toujours les informations d’alerte lors d’une catastrophe climatique. De plus, elles n’apprennent pas toutes à nager, empêchées par certaines normes sociales. Dans le cyclone qui frappa le Myanmar en 2008, 60% des victimes étaient des femmes.
- Les situations d’urgence exacerbent les violences conjugales et le risque d’agressions sexuelles en dehors du domicile. Une étude menée à Madrid a révélé que le risque de féminicide entre partenaires intimes augmentait de 40% en cas de canicule.
- Lors des tremblements de terre en Haïti en 2010, les personnes LGBTQIA+ notamment transgenres et intersexuées furent victimes de violences sexistes et de “viols correctifs” dans les abris temporaires.
Une approche intersectionnelle
Ce n’est pas seulement le genre qui détermine si une personne est davantage touchée par la crise climatique. L’âge, la santé physique et mentale, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, la couleur de peau et d’autres caractéristiques identitaires entrent également en jeu. Ces paramètres ne sont toutefois pas accidentels : une structure de pouvoir inégale fait que les besoins et les exigences de certains groupes sont bien mieux entendus que ceux d’autres. A tous les postes de pouvoir se trouvent encore principalement des hommes blancs et sans handicap, ne tenant pas suffisamment compte des autres groupes de la société, qui se retrouvent donc davantage impactés par les effets de la crise climatique. Les personnes cumulant plusieurs facteurs identitaires discriminés (comme le fait d’être femme et noire) sont alors confrontées à des défis encore plus importants.
La justice climatique ne sera pas atteinte si nous ne reconnaissons pas que le modèle de société actuel est basé sur un système d'exploitation patriarcal, colonial et néolibéral.
Au-delà de la vision des femmes en tant que victimes
Il est crucial de ne pas présenter les femmes comme des victimes de la dégradation de la planète qui auraient besoin d’être secourues, ni de basculer dans l’essentialisme : les femmes ne sont pas « naturellement » plus proches de la nature que les hommes. Elles sont effectivement plus durement touchées par la crise climatique mais cette injustice n’est pas innée : elle est le résultat d’inégalités structurelles produites par des rôles sociaux genrés, des normes et des pratiques culturelles discriminatoires.
Quel que soit le contexte et les difficultés auxquelles elles sont confrontées, les femmes réagissent à leur situation et développent des stratégies pour surmonter les impacts du dérèglement climatique. Or, nous avons besoin de restructurations et de décisions systémiques et égalitaires pour éviter d’incomber une énième charge mentale aux femmes, celle de « sauver la planète ».
Le comble : inégalités face aux réductions d’émissions
Lors des prises de décision en matière d’égalité sociale et de climat, le point de vue des personnes discriminées n’est pas pris en compte : soit elles ne sont pas présentes dans les espaces de décision, soit par manque de données concernant leurs situations soit ces données sont ignorées. Le manque de diversité parmi les personnes responsables se traduit par un manque de diversité dans les politiques climatiques et par une exacerbation des inégalités existantes. Il existe tout de même de récentes avancées comme le WGC (Women&Gender Constituency) qui assure la prise en compte des droits des femmes et de la justice de genre lors des COP.
De plus, des inégalités structurelles freinent également les femmes et les personnes LGBTQIA+ dans leurs réductions d’émissions. Par exemple, les femmes sont surreprésentées dans l'agriculture durable et à petite échelle, mais ces activités sont sous-financées et ne sont pas suffisamment subventionnées par les gouvernements. Les femmes et les personnes LGBTQIA+ qui souhaitent utiliser des modes de transport durables (vélos, transports publics, marche) se heurtent à des obstacles tels que le danger, le harcèlement et le manque d'infrastructures adaptées, sûres et correctement entretenues.
Les solutions pour plus d’égalité face à la crise climatique
Nous pensons dès lors qu’il est indispensable d’adopter une vision féministe et intersectionnelle de la justice climatique. Nous le faisons non seulement dans nos projets de collaboration internationale mais aussi à travers notre travail de plaidoyer en Belgique et dans le monde. Pour rappeler ces impératifs, Oxfam pèse de tout son poids lors de grands rendez-vous internationaux, dont les Sommets des Nations unies pour le climat. Découvrez le travail du Conseil consultatif Genre et Développement (CCGD).