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Gouvernement belge : pourquoi nous sommes toutes et tous perdants
La Belgique s’est dotée le 3 février d’un nouveau gouvernement fédéral, chapeauté par Bart de Wever et composé des partis N-VA, CD&V, Les Engagés, Vooruit & MR. Un gouvernement qui a reculé en termes de parité-homme-femme avec un kern exclusivement composé d’hommes.
Disons-le tout de suite : il y a très peu de raisons de se réjouir de la tournure que va prendre notre pays pour les 5 prochaines années. Enfin, si pour les ultra-riches et les grandes entreprises. Pour tout le reste de la population en Belgique mais aussi dans le monde, l’accord de gouvernement va nous impacter négativement. Les inégalités vont encore s’aggraver tant au niveau du secteur du travail que de nos droits sociaux. Tour d’horizon de 3 thématiques-clé et pourquoi notre lutte contre les inégalités est plus pertinente que jamais.
Coopération internationale : l’arroseur arrosé
1,2 milliards d’euros de coupe budgétaire sont prévus dans la coopération internationale, nommée « coopération au développement ». Cette appellation néocoloniale reflète tout le nœud du problème. Selon le gouvernement, il serait superflu de dépenser notre argent pour « l’aide à l’étranger ». Or, la solidarité internationale n’est pas un geste de bonté envers des pays qui auraient besoin d’être développés. C’est un investissement fondamental dans la stabilité et la sécurité mondiale et une responsabilité historique pour les dégâts causés. C’est un puissant levier pour prévenir les crises et les déplacements forcés, garantir plus de justice climatique et économique ou encore préserver la santé mondiale.
La solidarité internationale n’est pas un geste de bonté envers des pays qui auraient besoin d’être développés. C’est un investissement fondamental dans la stabilité et la sécurité mondiale et une responsabilité historique pour les dégâts causés.
Les crises dramatiques qui se succèdent comme en Palestine, en République Démocratique du Congo ou encore au Soudan, ne sont pas isolées. Elles ont des causes et des conséquences systémiques. Elles touchent des millions de personnes et aggravent les inégalités et les violences basées sur le genre. Les coupes budgétaires coûtent donc des vies humaines. C’est une raison déjà amplement suffisante pour agir mais ces crises ont également des répercussions chez nous. Dans un monde globalisé, notre pays est hautement dépendant du contexte géopolitique et économique mondial. En réduisant notre contribution à la coopération internationale, nous nous tirons donc une balle dans le pied en choisissant un monde plus insécurisant et chaotique.
Ainsi, au lieu de respecter l’objectif international d’allouer 0,7% de notre PIB à la coopération internationale, le gouvernement choisit de miser sur le secteur privé. Or, nous avons besoin d’une approche structurelle et non pas des projets isolés qui servent des intérêts privés. Enfin, il semblerait que la coopération internationale soit déviée de ses objectifs premiers au profit des intérêts économiques, migratoires et géopolitiques belges. En témoigne la fusion des compétences de coopération au développement avec celui des affaires étrangères.
En réduisant notre contribution à la coopération internationale, nous nous tirons donc une balle dans le pied en choisissant un monde plus insécurisant et chaotique.
climat: le grand vide
Les ambitions de notre gouvernement sur le dossier climat sont si basses que l’on vient à se réjouir de ne pas se retirer de l’Accord de Paris, pour dire de quoi on se contente. Dans la forme, l’accord de gouvernement suit donc les accords internationaux mais ce qui est inquiétant, c’est l’absence totale d’un plan national de réduction de nos émissions, assorti d'un calendrier réaliste.
Pire encore, le gouvernement semble faire porter la responsabilité de la crise climatique sur d’autres pays. Rappelons que nous pointons à la 9ième place mondiale des émissions les plus élevées par habitant.e. A l’inverse, les pays les moins responsables de la crise climatique, principalement des Suds Globaux, se retrouvent les plus touchés par la crise climatique. En tant que pollueur historique, nous avons donc une dette à payer à ces pays pour les dégâts causés. Pourtant, rien dans l’accord n’aborde comment nous allons atteindre l’objectif annuel mondial établi à la COP29 de 1,3 billions par an d’ici 2035 dédiés au financement climat. Même si le gouvernement compte évaluer la possible suppression des subventions aux énergies fossiles (15 milliards en 2022), le niveau d’ambition semble faible, manque de détails et des décisions concrètes.
Aussi, la question climatique se retrouve engluée dans une logique capitaliste et oligarque faisant passer les intérêts économiques avant nos droits fondamentaux et ceux de la planète. La politique climatique de notre gouvernement va donc encore davantage accentuer les inégalités genrées, raciales ou de classe. Elle va continuer de renforcer le pouvoir des riches pollueurs, qui sont avant tout des hommes blancs issus du Nord Global et pénaliser les personnes et les pays les plus pauvres, pourtant les moins responsables de la crise actuelle.
La politique climatique de notre gouvernement va donc encore davantage accentuer les inégalités genrées, raciales ou de classe.
Taxation : les plus pauvres vont continuer de porter le fardeau
Le gouvernement avait un déficit budgétaire de 23 milliards d’euros à combler. Pour ce faire, celui-ci a choisi de ne pas augmenter la charge fiscale mais d’opérer des coupes budgétaires principalement dans le marché du travail et des pensions.
L'Arizona mise donc sur une réduction du coût du travail tout en voulant accentuer l’écart de revenus entre les personnes qui travaillent et celles qui ne travaillent pas, même temporairement ou partiellement. Comment y parvenir ? Non pas en augmentant réellement les salaires des travailleurs ou de demander des efforts plus conséquents aux plus fortunés. Non, le gouvernement a choisi au contraire de précariser les allocataires sociaux et appliquer des politiques d’austérité très dures sur le marché du travail, les pensions et les soins de santé.
Le gouvernement a choisi de précariser les allocataires sociaux et d’appliquer des politiques d’austérité très dures sur le marché du travail, les pensions et les soins de santé.
Ainsi, 8,7 milliards d’euros d’économies seront réalisées en supprimant l’enveloppe bien-être, en réduisant les dépenses de santé et en restreignant fortement l’accès à la prépension et aux allocations de chômage. Ces mesures toucheront en priorité, et de manière plus sévère, les femmes. En parallèle, la contribution demandée aux plus aisés ne dépasserait pas 1,2 milliard d’euros. L’effort imposé aux plus vulnérables et aux classes moyennes serait donc au moins sept fois supérieur à celui exigé des plus fortunés. En outre, les mesures fiscales en faveur des revenus du travail favoriseront l'entièreté des travailleur.euse.s y compris les hauts revenus puisque l'augmentation de la franchise d'impôt s'applique de manière universelle. La réforme fiscale ne vise pas spécifiquement les revenus faibles et moyens.
Est-ce que les épaules les plus larges vont contribuer de manière plus équitable à la charge fiscale ? La réponse est non. Certes, le gouvernement a mis en place une taxation sur les plus-values. C’est une étape importante vers plus de justice fiscale en Belgique. Mais cette mesure ne permet pas un véritable transfert des revenus du capital vers les revenus du travail. L'introduction d'une taxe sur les plus-values des ventes d'actions (rebaptisée « contribution de solidarité ») est également un pas en avant, car la Belgique était l'un des cinq derniers pays de l'UE à ne pas disposer d'une telle taxe. Toutefois, son taux de 10 % reste très modeste par rapport aux autres États membres de l'UE, sans parler des multiples exceptions qui limitent très fortement la portée d’une telle taxe. Enfin, dans l'accord de gouvernement, on ne retrouve aucune mention d’un plan réel de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, ni de la Convention fiscale des Nations Unies et encore moins d’un impôt international sur la fortune. De telles initiatives permettraient une vraie justice fiscale.
Résultat ? Un système fiscal inégal où les personnes qui perçoivent des revenus du capital ou qui détiennent un patrimoine important continueront d’être moins taxées que les travailleur.euse.s.