Élections Belgique 2024 : Six recommandations d’Oxfam pour combattre les inégalités

Pour la première fois en Belgique, des élections européennes, législatives, régionales, provinciales et communales se dérouleront toutes la même année. Des défis de taille attendent le monde politique : réduire le fossé entre riches et pauvres, atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, contraindre les entreprises à respecter les droits humains, les droits du travail et environnementaux sur toutes leurs chaines d’approvisionnement, combattre les inégalités de genre, transformer nos systèmes alimentaires et faire face à une multiplicité de crises humanitaires à travers la planète. ll est donc de notre responsabilité à tou.te.s de faire des choix dans l’urne qui feront progresser la justice et l'égalité. 

Réaction d'Oxfam post-élections

Oxfam Belgique se bat pour des solutions systémiques en prenant un engagement politique. Nous incitons nos décideurs et décideuses politiques à réformer en profondeur les pratiques et lois injustes qui causent des inégalités. Oxfam encourage tou.te.s les candidat.e.s à soutenir les efforts suivants pour rendre le monde plus égalitaire et contribuer à mettre fin aux inégalités. 

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Découvrez toutes nos positions politiques

1. Faire le choix de la justice fiscale  

La Belgique est souvent présentée comme un pays de cocagne de l’égalité. Pourtant, les 1 % les plus riches possèdent un quart de toutes les richesses, soit plus que les 70 % des personnes les plus pauvres réunies. De son côté, la moitié la plus pauvre de la population possède seulement 8 % de la richesse totale, tandis que les 92 % restants sont concentrés entre les mains de la moitié la plus riche. 

Oxfam milite pour un système fiscal qui répartit justement la richesse, tant au sein des entreprises que dans la société.

Nous avons déjà obtenu quelques victoires vers plus d’équité fiscale. Fin 2021, un accord international a été conclu entre 137 pays, dont la Belgique. Il impose une taxation internationale de 15% sur les bénéfices des multinationales faisant au moins 750 millions d’euros de bénéfices. 

Nos recommandations pour plus de justice fiscale :  

  •  La Belgique a besoin d'une réforme fiscale qui réduise la charge sur le travail pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses de vivre dignement. Elle doit être compensée par une taxation plus juste du capital, une mesure justifiée quand on sait que la Belgique est le pays de l’OCDE où la différence de taxation entre les détenteurs de capitaux et les travailleurs est la plus grande. Nous en avons aussi besoin pour financer la transition climatique et réduire les inégalités. Plusieurs pistes sont sur la table comme l’impôt sur la fortune, une taxe sur les transactions financières ou encore une taxation plus cohérente des dividendes et des plus-values sur actions.
  •  Les périodes de crises appellent des mesures de crises : un impôt spécial automatique sur les bénéfices excédentaires en période de crise permettrait aux citoyen.ne.s de ne pas subir les conséquences de l’inflation. En pleine pandémie, ce mécanisme aurait été salutaire lorsque les grands groupes du secteur de l’énergie, du big pharma ou de l’agroalimentaire croulaient sous les bénéfices et que le pouvoir d’achat de l’immense majorité de la population mondiale connaissait une forte baisse, comme démontré par notre rapport La Loi du plus Riche publié en janvier 2023, à l’occasion du FEM de Davos.  Taxer les surprofits, c’est possible. La Belgique l’a par exemple fait récemment pour les producteurs d’énergie
  • Lutter contre l’évasion fiscale : l’évasion fiscale des multinationales fait perdre plus de 30 milliards d’euros aux caisses de l’état chaque année. La Belgique doit faire pression au sein de l’UE pour qu’elle lutte mieux contre les paradis fiscaux qui se trouvent au sein et en dehors de l ’UE .  
  • Encadrer la part des bénéfices versés aux actionnaires en fonction du respect d'objectifs sociaux et climatiques afin d’aligner les intérêts économiques sur le bien-être sociétal. Oxfam Belgique demande qu’au moins 50% de la rémunération variable des CEO soit basée sur des critères non-financiers, comme la réduction des émissions de CO2 de l’entreprise. Cela pousserait les CEO a avoir d’autres objectifs que la maximisation des profits de leurs actionnaires, plus orientés vers l’intérêt général.
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Les partis sont-ils prêts à dire stop à l’impunité des entreprises?

  2. OPTER Pour une transition écologique juste et durable

Augmentation des températures, sécheresses plus longues, tempêtes et inondations plus fréquentes : les conséquences des changements climatiques se manifestent de manière toujours plus intense. Elles ont un impact direct sur notre quotidien et frappent de plein fouet les pays à faible revenu et leurs populations, pourtant les moins responsables du dérèglement climatique. 

Pour garder une planète habitable, Oxfam appelle à urgemment remettre en cause la logique d’une croissance infinie dans un monde aux ressources finies et d’une économie qui creuse toujours plus le fossé des inégalités.

Le désastre climatique est évitable d’après le GIEC. Ce qui veut dire que changer de cap est à notre portée à tou.te.s et les élections sont le moment de le faire ! Ensemble, nous sommes déjà parvenu.e.s à imposer à la Belgique de réduire la part des agrocarburants dans l’essence et le diesel. Grâce à la société civile, d’ici à 2030, un maximum de 2,5 % (diesel) et de 4,5 % (essence) pourront encore être mélangés. Il s’agit d’une avancée majeure par rapport aux 7 % auparavant.

Nos recommandations pour plus de justice climatique :  

  • Réduire nos émissions de gaz à effet de serre : Sur la base du dernier rapport de synthèse du GIEC, la prochaine législature est notre dernière chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C et ainsi respecter l’Accord de Paris. La Belgique doit réduire ses émissions d'au moins 61% par rapport aux niveaux de 1990 d'ici 2030, et inciter l'UE à les réduire de 73%.
  • Réduire nos émissions de méthane dans les secteurs de l'énergie, de l'agriculture et des déchets, conformément aux engagements pris lors de la COP 26.  
  • Réformer le marché volontaire du carbone. Les marchés du carbone sont des systèmes d'échange dans lesquels des crédits carbones sont vendus et achetés par des entreprises ou des particuliers. Ce mécanisme pose problème car il encourage les entreprises à compenser leurs émissions plutôt qu'à les réduire. Oxfam demande à la Belgique de faire pression pour que de véritables réductions d'émissions soient imposées par la loi.  
  •  Éliminer les agrocarburants de première génération des transports en Belgique. Deux rapports publiés par Oxfam Belgique ont démontré que la culture d’agrocarburants au Pérou et au Brésil violent les droits humains, causent pollution de l’air, accaparement des terres et de l’eau.
  • La Belgique doit financer la lutte contre le dérèglement climatique à hauteur d'au moins 500 millions d'euros par an. Ces montants ne peuvent pas être concédés en prêts ou déguisés en aide au développement, comme c’est souvent le cas.  
  • Faire de la justice de genre l'un des principaux piliers de la justice climatique, conformément au cadre d'action féministe pour la justice climatique d'UNWOMEN. La Belgique devrait s'imposer comme un pays exemplaire au sein de l'UE à cet égard.

Wanted : du courage politique pour la justice climatique

Ensemble, exigeons de notre prochain gouvernement qu'il mette en place une politique climatique équitable, sociale et féministe. 

3. FAVORISER une économie qui respecte les droits humains et environnementaux

Le système économique actuel exploite les ressources naturelles et des milliards de personnes à travers le monde au profit de grandes entreprises et d’une minorité d’individus ultra-privilégiés.

Oxfam Belgique plaide pour une économie durable et sociale capable de répondre aux besoins humains de base et ce dans le respect des limites planétaires. Nous voulons que les entreprises respectent les droits humains, les droits du travail et environnementaux sur toutes leurs chaines d’approvisionnement. 

En 2024, nous avons pu nous féliciter de l’adoption par le parlement européen et le Conseil d’une loi sur le devoir de vigilance.   

Nos recommandations pour des chaînes de valeur durables :

  • Elaborer une loi nationale ambitieuse sur le devoir de vigilance, c'est-à-dire une loi qui exige des entreprises qu’elles identifient, préviennent, résolvent et compensent les incidences négatives éventuelles sur les droits humains, les droits du travail et l’environnement dans leurs chaînes de valeur, et qui prévoit une responsabilité civile pour les entreprises qui ne respectent pas cette obligation, afin de garantir l’accès à la justice pour les victimes d’actes répréhensibles commis par des entreprises. Cette loi doit être conforme aux lignes directrices internationales, être juridiquement contraignante et couvrir tous les droits humains et du travail.  
  • S’engager à ce que les politiques commerciales soient cohérentes, démocratiques et contraignantes en ce qui concerne la durabilité, les droits humains, les droits du travail et les normes environnementales.
  • Garantir un revenu stable et équitable pour les agriculteur.trice.s du Sud Global

4. TRANSITIONNER VERS des politiques agricoles socialeS et écologiqueS

Une poignée de multinationales contrôlent la majeure partie de notre production alimentaire via l’industrialisation de l’agriculture à grande échelle, la monoculture massive, l’utilisation abusive de fertilisants et de pesticides et l’exploitation systématique des travailleur.euse.s tout au long de leurs chaînes de valeurs. Comme l’indique Oxfam, 18 grandes entreprises du secteur alimentaire ont réalisé en moyenne environ 14 milliards de dollar de profit exceptionnels rien qu’en 2021 et 2022 et ce alors que les prix mondiaux des denrées alimentaires ont augmenté de plus de 14% en 2022.  

Oxfam se bat pour un système alimentaire durable qui protège les droits des paysan.nes et des  personnes travaillant dans les zones rurales et qui garantit le droit à la nourriture pour toutes et tous. Nous sommes solidaires avec les manifestations et revendications portés par la FUGEA et le ECVC

Nos recommandations pour une transition agroécologique de nos systèmes alimentaires :  

  • Garantir des revenus équitables et des conditions de vie digne pour les agriculteur·trice·s  
  • Assurer l’accessibilité à une alimentation durable, saine, issue du commerce équitable et locale pour toutes et tous.
  • Soutenir l’agroécologie via la recherche et un fonds de transition  
  • Intégrer le genre dans les politiques agricoles en œuvrant à une meilleure représentativité des femmes, en collectant des données liées au genre, en remédiant à la répartition inégale des tâches productives et reproductives au sein des exploitations agricoles et en améliorant les conditions de travail des femmes. 

Découvrez notre analyse des programmes des partis politiques autour du genre et de l'agriculture.

5. Répondre aux besoins humanitaires lors de crises et catastrophes

Les inégalités extrêmes, la pauvreté, les violations des droits humains, les conflits armés de plus en plus nombreux et de plus en plus pérennes, la crise climatique ainsi que la forte inflation des denrées alimentaires et de l’énergie font qu’environ 300 millions de personnes ont un besoin urgent d'aide humanitaire.

Oxfam milite pour que les besoins des personnes touchées par une crise humanitaire soient pris en charge et pour que le respect de leurs droits ainsi que leur dignité soit garanti. Nous plaidons pour la mise en place de mesures structurelles et systémiques visant à résoudre les causes sous-jacentes aux conflits humanitaires. 

La Belgique (tout comme la plupart des autres pays de l’OCDE) n’a jamais honoré sa promesse de consacre 0,7% de son revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement.

Nos recommandations pour répondre aux besoins humanitaires :

  • Montrer un engagement clair en faveur d’un système humanitaire féministe et décolonial qui contribue à transformer les systèmes de pouvoir.
  • Prendre en compte les besoins particuliers des femmes et filles en situations d’urgence humanitaire puisque celles-ci sont touchées de manière disproportionnée.  
  • Prendre des mesures pour répondre aux besoins humanitaires urgents et l'insécurité alimentaire causée par les conflits notamment au Yémen, en RDC, à Gaza et au Sahel.
  • Appeler à un cessez-le-feu immédiat et permanent lors de tout conflit armé, notamment à Gaza.
  • Augmenter les fonds pour répondre aux besoins humanitaires : consacrer 15% du budget de la coopération internationale à la réalisation de l’ODD 2 “faim zéro”; consacrer 0,7% du revenu national brut à l’aide publique au développement en veillant à ce que l’APD ne soit pas instrumentalisée au service de politiques restrictive ; augmenter les fonds pour combler les déficits de financement de l’aide d’urgence.  
  • Engager des synergies entre les engagements et les efforts aux niveaux belge, européen et des Nations Unies.

    6. Combattre les inégalités de genre

Dans le monde, une femme sur trois subira des violences au cours de sa vie. En moyenne, les femmes sont payées 24% de moins que les hommes pour un travail équivalent, dans toutes les régions et tous les secteurs. Le modèle politique et économique actuel engendre et perpétue l’exploitation, l’oppression et la violence basée sur le genre, parfois couplées avec d'autres formes de discriminations basées sur la couleur de peau, la situation économique, l’âge, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, accentuant les injustices vécues.  

En Belgique, soulignons que la différence de salaire annuel entre les femmes et les hommes était encore de 21% en 2021 ou que la surmortalité pendant les vagues de chaleur de 2022 était six fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes.

Oxfam plaide aux côtés des mouvements féministes et de défense des droits des femmes pour la justice de genre, c’est-à-dire l’égalité et l’équité complètes entre les hommes et les femmes dans toutes les sphères de la vie.

Nous saluons les récentes décisions du gouvernement belge pour plus de justice de genre. Par exemple, la Belgique a approuvé la loi #StopFeminicide, parmi les plus progressistes en Europe. Mais nous pouvons aller encore bien plus loin :

 Nos recommandations pour plus de justice de genre :  

  • Renforcer les données autour des inégalités : il est essentiel qu’aucune politique sectorielle n’aggrave pas les inégalités basées sur le genre, l’orientation sexuelle, l’âge, la santé ou la couleur de peau, mais qu’elles deviennent plutôt un outil pour réduire ces inégalités. C’est-à-dire qu’elles soient proactivement « gender-responsive » de manière intersectionnelle. Pour cela elles doivent être vérifiées par une recherche appropriée et accompagnées de consultations des parties prenantes concernées aux quatre niveaux du gouvernement belge. 

  • Mettre en place une fiscalité féministe, c’est-à-dire le financement d’une protection sociale et des services publics universels qui répondent aux besoins spécifiques des femmes.    
  • Prendre en compte les besoins particuliers des femmes et filles en situations d’urgence humanitaire puisque celles-ci sont touchées de manière disproportionnée
  • Intégrer le genre dans les politiques agricoles en œuvrant à une meilleure représentativité des femmes, en collectant des données liées au genre, en remédiant à la répartition inégale des tâches productives et reproductives au sein des exploitations agricoles et en améliorant les conditions de travail des femmes.
  • Faire de la justice de genre l'un des principaux piliers de la justice climatique, conformément au cadre d'action féministe pour la justice climatique d'UNWOMEN. La Belgique devrait s'imposer comme un pays exemplaire au sein de l'UE à cet égard.

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