Défricher le genre dans l'agriculture wallonne

Salaires, accès à la terre, status, héritage : Oxfam Belgique pointe des inégalités de genre criantes dans l'agriculture wallonne, dans un rapport intitulé "Défricher le genre dans l'agriculture wallonne".

 

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Malgré le combat historique des agricultrices wallonnes pour la reconnaissance de leurs droits, les inégalités de genre dans le monde agricole wallon persistent. La situation est difficilement remise en question dans les fermes, où sphères privées et professionnelles sont étroitement imbriquées. De plus, peu d’études se penchent sur ce sujet et les données statistiques manquent. Quelques travaux de recherches ont cependant été menés en France et en Wallonie et nous ont permis de dresser un premier état des lieux de la situation et de lister une série de recommandations.

Le monde agricole fait face à de nombreux défis (renouvellement des générations, changement climatique, instabilités des prix, répartitions des marges, accès à la terre, …) et les inégalités de genre les accentuent. Il est donc essentiel d’intégrer la dimension de genre dans les politiques. Ceci ne nous fera pas perdre du temps mais en gagner. 

LES INÉGALITÉS DE GENRE DANS LE MONDE AGRICOLE EN QUELQUES CHIFFRES :

Les inégalités de genre dans ce secteur sont assez marquées :

• 80% des agriculteur.rices conjoint.es aidant.es sont des femmes.

• Les femmes représentent 30 % de la main-d’œuvre agricole régulière totale

• 16 % des agriculteur.rices chef.fes d’exploitation sont des femmes.

• En moyenne, les femmes cheffes d’exploitation disposent, de 41,5 hectares de terres agricoles contre 59,5 hectares pour les hommes.

Profil des agricultrices wallonnes 

  • • 80% des agriculteur.rices conjoint.es aidant.es sont des femmes. 

  • • 16 % des agriculteur.rices chef.fes d’exploitation sont des femmes. 

  • • En moyenne, les femmes cheffes d’exploitation disposent, de 41,5 hectares de terres 

  • agricoles contre 59,5 hectares pour les hommes. 

  • Elles gèrent 22 % de la SAU (superficie agricole utilisée) wallonne en agriculture biologique (contre 12 % de la SAU totale). Leur présence semble donc renforcée dans ce mode de production 

Statut des agricultrices wallonnes :  

  • Les agricultrices sont surreprésentées dans les statuts qui accordent de faibles droits : droits à la sécurité sociale, droits de propriété sur les terres et sur les exploitations 

Salaires et rémunération 

  • La manière dont les agriculteurs et agricultrices se rémunèrent est assez floue. En effet, les exploitations agricoles peuvent être classées selon 2 statuts juridiques principaux : personne physique et personne morale. La majorité d’entre elles (87 %) ont un statut de «personne physique ». Dans le cas des entreprises en qualité de personnes physiques, les indépendant·es ne doivent pas se verser de salaire et touchent directement les revenus 

de leurs activités. De plus, iels ont le droit d’utiliser leurs comptes bancaires privés pour leurs dépenses et achats professionnels. 

Formations  

  • Les garçons sont poussés à suivre des formations pour devenir agriculteur tandis que les filles sont poussées vers des métiers plus compatibles avec leurs supposées qualités féminines. Ainsi, les femmes s’installent en agriculture davantage après une reconversion professionnelle que les agriculteurs. 

Sous-représentation dans les organismes agricoles 

  • Les agricultrices sont sous-représentées dans les différents organismes agricoles. En effet, 

elles sont faiblement intégrées, voir exclues des syndicats, centres de recherche, structures 

para-agricoles, Collège des producteurs et coopératives agricoles. Cette faible participation 

des femmes dans les instances de décision du monde agricole conduit à une non prise en 

compte de leurs spécificités, leurs besoins et leurs intérêts dans les politiques agricoles 

Propriété 

  • Les agricultrices ont moins facilement accès à la propriété que les agriculteurs (crédits, terres...) 

Le poids des normes de genre en agriculture 

  • La représentation collective considère l’agriculture comme un métier masculin. Cela amène à des discriminations, exclusions voire harcèlement des femmes. Ainsi, les femmes ne se sentent pas assez légitimes, voir illégitimes d’être agricultrices. 

  • Le travail des agricultrices est invisibilisé et dévalorisé. Leur travail, s’exerçant dans la plupart des cas à l’intérieur de l’exploitation (ex : nourrir les veaux), il est invisibilisé et moins valorisé que celui des hommes, s’exerçant en de- hors de la ferme (ex : conduire le tracteur) 

  • Les agricultrices s’occupent davantage des tâches domestiques: L’imbrication entre la sphère domestique et la sphère professionnelle dans les exploitations agricoles impacte fortement la répartition des tâches domestiques. En effet, les activités domestiques et professionnelles sont mélangées ce qui engendre une fatigue importante chez les agricultrices. Il est également plus difficile de distinguer ce qui relève d’un travail ou d’une activité personnelle et donc de recevoir une rémunération correspondant au travail effectué. 

  • L’environnement de travail est plus adapté aux hommes qu’aux femmes. Les outils sont plus adaptés aux morphologies masculines, qui rendent le travail des agricultrices plus difficile. 

  • L’assignation des femmes au travail domestique et les outils inadaptés perpétuent l’inégale répartition des tâches agricoles entre hommes et femmes 

Des inégalités intersectionnelles 

Les inégalités de genre dans le monde agricole sont ressenties de manière plus importante par les groupes sociaux qui subissent plusieurs formes d’oppressions croisées 

  • Travailleur.euse.s saisonnier.es. Malgré qu’iels représentent 19,9% de la main d’œuvre agricole totale en Belgique, peu d’études se penchent sur les travailleur·euses saisonnier·es  Il n’y a également aucune étude analysant la situation des agricultrices saisonnières.Un rapport de la Commission Européenne montre que parmi la main d’œuvre occasionnelle et saisonnière, les agricultrices sont plus enclines à être victimes de violences sexistes et sexuelles, à la traite des personnes et à l’emprise psychologique 

  • Agriculteur·rices de la communauté LGBTQIA+; Dans le monde agricole en Wallonie, l’hétérosexualité reste la norme et assigne des rôles genrés prédéfinis. La transmission des fermes au sein de la cellule familiale reste largement institutionnalisée, pouvant freiner des personnes à ne pas assumer leur orientation sexuelle. La difficulté d’affirmer une différence de genre et de sexualité est plus grande en milieu rural qu’en ville, par manque de représentation ou de structure d’information ou d’éducation à la sexualité.  

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