Actualité6 septembre 2023

Comment la crise climatique va bouleverser l’accès à l’eau

Dans son dernier rapport, Oxfam étudie l’impact qu’aurait une augmentation des températures mondiales de 2,7 °C sur 20 pays en première ligne de la crise climatique. Ce scénario laisse présager une augmentation du stress hydrique, des déplacements de populations et de la malnutrition.   

Le rapport « Les dilemmes de l’eau » anticipe les répercussions sur l’accès à l’eau d’une augmentation des températures mondiales de 2,7 °C d’ici 2100. Ce scénario n’a rien de fortuit : il s’agit de l’une des projections calculées par les expert.e.s du GIEC sur base de cinq trajectoires socio-économiques mondiales. Il part du postulat que les émissions mondiales de CO2 se maintiendront aux niveaux actuels, ce qui en fait un scénario prudent quand on sait qu’elles ont encore augmenté de 0,9% l’an dernier.

La crise climatique aggravera les inondations et les sécheresses

D’après l’étude d’Oxfam, si le monde continue d’émettre autant de gaz à effet de serre, les températures augmenteront aux quatre coins de l’horizon, touchant particulièrement le Moyen Orient et une large bande allant de l’Afrique de l’Ouest à la Corne de l’Afrique (respectivement + 2° C et + 1,4 °C dès 2040).  

Une telle hausse des températures accélèrera l’assèchement des sols et entraînera une augmentation de l’évaporation marine et donc davantage de précipitations, que les sols ne seront pas en mesure d’absorber. Si un tel scénario devait se concrétiser, les pays en première ligne subiraient une double peine : des sécheresses plus fréquentes, suivies d’inondations de plus grande ampleur.

La malnutrition atteindra des niveaux de crise

Cette hausse rapide des températures aura indéniablement un impact sur la sécurité alimentaire, notamment à cause d’une baisse des rendements du blé. La production de cette céréale, qui joue un rôle clé dans la sécurité alimentaire mondiale, devrait diminuer de 24,61% en Afrique de l’Ouest et de 3,03% dans la Corne de l’Afrique. Pour ces régions qui cherchent justement à augmenter leur production de blé afin de réduire leur dépendance aux importations, les effets de la crise climatique pourraient donc s’avérer un obstacle important.

Dans un pays comme le Kenya, dans lequel l’agriculture et l’élevage font vivre 70% des habitant.e.s des zones rurales, les conséquences de ces chocs climatiques se font d’ailleurs déjà sentir. « Auparavant, mes activités agropastorales me permettaient de bien vivre », affirme Abdia Ibrahim, une éleveuse et agricultrice qui travaille dans le comté d’Isiolo, au centre du pays. « Mais la sécheresse a provoqué l’assèchement de tous les puits autour de Barambale, le village dans lequel j’habite. J’ai perdu 200 des 400 chèvres que je possédais et aucun de mes bœufs n’a survécu. Heureusement, mes champs, eux, ont tenu bon », dit-elle.

Un puits sur cinq à sec ou impropre à la consommation

Afin de soutenir les habitant.e.s de Barambale à faire face aux conséquences de la sécheresse, Oxfam a installé un point d’eau d’une capacité de 120 litres par jour, ce qui soulage quelque peu le bétail et protège l’unique source de revenus des éleveur.euse.s des alentours. Un soulagement qui éloigne pour l’instant le spectre de la malnutrition mais qui risque de rapidement devenir insuffisant d’après Betty Ojeny, responsable des actions humanitaires relatives à l’eau et à l’assainissement d’Oxfam en Afrique. « Un nouveau puits de forage sur cinq que nous creusons maintenant est à sec ou impropre à la consommation humaine », s’alarme-t-elle. « Nous devons creuser des puits plus profonds dans des terres durcies, ce qui augmente le coût des travaux alors que les financements des agences onusiennes dans ce domaine diminuent ».

Même son de cloche en Somalie, où Hodan Mohamad Warsame travaille comme ingénieure civile pour Oxfam dans ce pays de la Corne de l’Afrique, où la sécheresse a fait 42.000 morts en 2022.

Nous sommes obligés de multiplier les travaux pour faire face aux besoins en eau, toujours plus croissants.

Dans la région de Toghdeer, dans la province du Somaliland, nous venons de mettre en service un nouveau puits, construit un réservoir d'eau de 30 mètres cubes, placé quatre abreuvoirs pour animaux et installé un système de pompage qui fonctionne à l’énergie solaire. Et les besoins sont à peine couverts.

Pour rappel, la sécheresse avait poussé 671 000 Somalien.ne.s à quitter leur foyer en quête d’eau ou de pâturages pour leur bétail l’an dernier. Un phénomène qui n’est pas isolé d’après la Banque Mondiale, qui estime que les déficits hydriques sont à l’origine d’une hausse de 10% des flux migratoires à l’échelle de la planète.

Inaction climatique et manque de financements

Les gouvernements ne semblent pas s’alarmer du fait que le monde fonce droit dans le mur et poursuivent leur route vers une augmentation de la température mondiale de 2,7 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Malgré leurs engagements climat, les pays du G20 ont accordé environ 1 400 milliards de dollars de financements publics à l’industrie des combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz) en 2022, un record absolu.

Ces mêmes gouvernements (dont les émissions sont 650 fois supérieures à celles des 10 pays les plus vulnérables aux changement climatiques d’après les estimations d’Oxfam), boudent les appels humanitaires lancés par l’ONU pour faire face aux chocs climatiques qu’ils ont largement contribué à provoquer. Oxfam révélait début septembre que les pays riches ont versé moins de 5 % des 53,3 milliards de dollars dont l'Afrique de l'Est a besoin pour faire face à la crise climatique.

Recommandations

Pourtant, les moyens existent. Les grandes entreprises de l’industrie fossile ont engrangé des profits records, estimés à plus de 4 000 milliards de dollars en 2022. En plus d’accélérer la sortie des énergies fossiles et ainsi espérer atteindre l’objectif de limiter le réchauffement planétaire sous la barre des 1,5 °C, les gouvernements doivent taxer les surprofits de ces entreprises et de toues les entreprises polluantes dès aujourd’hui.

Les pays riches, tous des grands pollueurs historiques, ne peuvent pas se passer de ces ressources financières s’ils souhaitent honorer leur promesse faite en 2009 à la COP de Copenhague de fournir 100 milliards de dollars par an pour indemniser les pays à faible revenu des préjudices causés par la crise climatique et les aider à faire face à ses effets.

Que puis-je faire ?

  1. Signer notre pétition exigeant de la Belgique, le 17e plus gros émetteur de GES par habitant.e, qu’elle contraigne ses grandes entreprises à réduire leurs émissions.
  2. Participer à la marche climat du 3 décembre prochain (infos pratiques bientôt disponibles).
  3. Soutenir le travail humanitaire d’Oxfam dans les pays fortement exposés aux effets de la crise climatique en faisant un don.

Aidez-nous à faire face à la crise mondiale de l'eau

Afin de répondre aux besoins humanitaires engendrés par la crise climatique, mais aussi les conflits et l’insécurité alimentaire, nous avons ouvert un appel aux dons.

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