
Au Mali, la région de Gao s’organise face à l’urgence alimentaire
Dans un contexte humanitaire tendu, Oxfam et son partenaire Stop Sahel ont clôturé un programme de réponse d’urgence et de renforcement de la résilience de communautés au Mali. Mené entre 2024 et 2025 dans la région de Gao, il a été financé par l’Union européenne (DG ECHO). Ce programme a permis d'apporter une aide vitale à plus de 17 000 personnes affectées par les conflits, les déplacements et l’insécurité alimentaire chronique. Bilan.
Le Mali fait aujourd’hui face à l'une des crises humanitaires les plus complexes d'Afrique de l'Ouest. Comme dans plusieurs autres pays du Sahel, l’instabilité sécuritaire persistante, couplée à des sécheresses fréquentes, a poussé des milliers de personnes à fuir leur foyer. Au Mali, ce sont plus de 378 000 personnes qui ont été contraintes de fuir selon les estimations les plus récentes du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’Onu (OCHA).
Ces déplacements, souvent soudains, laissent des familles sans terres à cultiver, sans accès à leurs moyens de subsistance traditionnels ni aux marchés, qui représentent des débouchés commerciaux importants pour les personnes vivant de l’agriculture ou de l’élevage.
Quand l’urgence humanitaire ouvre la voie à des solutions durables
Gao, dans le nord du Mali, ne fait pas exception. Ces dernières années, les crises s’y sont enchaînées. En 2024, des inondations catastrophiques, conjuguées à une dégradation brutale des conditions économiques, se sont ajoutées à ces multiples crises et ont plongé des milliers de familles dans l’insécurité alimentaire.
Face à cette situation, Oxfam et son partenaire, l’ONG malienne Stop Sahel, avec le soutien stratégique de l’Union européenne à travers le mécanisme ECHO, ont mis en œuvre une intervention multisectorielle dans le cercle de Gao, visant à atténuer les effets de la crise, tout en renforçant la résilience des communautés.
Le projet ne s’est pas limité à une réponse ponctuelle, mais a combiné transferts monétaires, prévention de la malnutrition, soutien à la reprise des activités agricoles, et accompagnement des acteurs communautaires dans la prévention et la prise en charge des violences, pour inscrire l’aide dans une dynamique de durabilité.
Une réponse humanitaire à plusieurs niveaux
Le projet, qui a inclus des personnes déplacées, des ménages dirigés par des femmes, des éleveur.euses affecté.es par les chocs climatiques, et des personnes handicapées, a touché directement 17 000 personnes dans les communes de Gao, Gounzoureye, Anchawadi, et Tilemsi.
Notre intervention repose sur une stratégie holistique qui combine réponse immédiate, relance économique et renforcement des capacités. Ce choix vise à ne pas se limiter à une aide ponctuelle, mais à amorcer un cercle vertueux et pérenne de reprise et d’autonomisation.
Répondre immédiatement aux besoins alimentaires : Oxfam a mis en place des transferts monétaires inconditionnels (108 885 000 FCFA - environ 165 994 euros - distribués à 12 200 personnes) pour permettre aux familles en situation de vulnérabilité d’acheter des vivres sur les marchés de la région. Cette approche a offert une réponse rapide aux communautés, réduisant les stratégies négatives d’adaptation (vente des biens productifs, mariages précoces, privations, etc.) tout en soutenant l’économie locale.
Prévenir la malnutrition : pour prévenir et soigner la malnutrition, les équipes ont mené des campagnes de dépistage de la malnutrition infantile et des sensibilisations à l’alimentation et la nutrition, en collaboration avec les structures de santé communautaires. 2050 enfants et femmes enceintes et allaitantes ont reçu de la farine enrichie (complément alimentaire très nutritif) à hauteur de 4,5kg par personne.
Relancer les moyens d’existence : Oxfam et Stop Sahel ont distribué des semences (riz, niébé, oignon, salade, ...) à 823 ménages, accompagnées de formation sur les techniques agricoles résistantes aux variations climatiques, dispensées par les services de l’agriculture. Ces efforts ont contribué à restaurer la production agricole tout en offrant aux ménages des perspectives de revenus.
Renforcer la protection communautaire : Nous avons mis en place des comités communautaires de protection, dont le rôle est de prévenir les violences et les abus et d’offrir une première ligne de secours aux cas constatés. Ces comités ont sensibilisé plus de 17 000 personnes sur les risques de protection et sur l’existence de services de prise en charge. Ils ont porté assistance à plus de 250 cas dans leurs villages.

Zoulhaou Habu, maréchaire à Boulgoundjé
Avant le projet, il était difficile de trouver des semences. Celles qui sont en vente dans les marchés sont hors de prix. Le projet m’a permis d’avoir avoir accès à des semences de qualité, mais aussi à du matériel agricole. Après les semis, j’ai pu constater la différence. Les semences sont d’une très bonne qualité. Je fais pousser des salades, des betteraves, des carottes. J’ai déjà vendu deux planches de salades. Le projet peut certainement aider d’autres maraichères, elles sont nombreuses à avoir besoin de soutien !
Des impacts concrets et mesurables
Une évaluation participative réalisée à la fin de l’intervention a permis de mesurer plusieurs résultats significatifs :
83 % des personnes atteintes par le programme ont un bon niveau de consommation alimentaire, contre 28 % avant le projet.
92 % des enfants concernés par le projet ont désormais un régime alimentaire de qualité, contre 18 % avant l’intervention.
25 % des personnes interrogées ont dû recourir à des stratégies de crise (interruption de la scolarisation, vente du bétail, ...) en raison de l’insécurité alimentaire, contre 72 % avant le projet.
10 comités de protection composés à moitié de femmes sont en place dans les communes d’intervention, contribuant à un meilleur sentiment de sécurité des populations.
253 personnes ont été orientées par les comités de protection vers une aide matérielle, psychosociale, administrative ou médicale en fonction de leurs besoins.
Le témoignage de Zakira Maiga, agricultrice et commerçante de 32 ans et mère de quatre enfants vivant à Sossokoira (quartier de Gao), incarne la dynamique de résilience poursuivie par le projet.
Zakira Maiga, agricultrice et commerçante
En pleine soudure, mes enfants et moi ne mangions que grâce à l’aide de mes proches. J’étais résignée. Grâce au soutien reçu, j’ai pu acheter des vivres, mais surtout, j’ai lancé un petit commerce de légumes et de condiments. Aujourd’hui, je peux nourrir mes enfants et j’ai même commencé à épargner.
Si l’histoire de Zakira est singulière, elle reflète celle de nombreuses femmes de Gao, qui ont su transformer une assistance ponctuelle en tremplin vers une autonomie retrouvée.
Leçons et perspectives : investir dans la résilience dès l’urgence
L’intervention menée dans le cercle de Gao par Oxfam et soutenue par ses partenaires, dont l'ONG Stop Sahel (Association malienne pour la protection de l'environnement), les autorités maliennes locales et ECHO démontre l’importance d’adopter une approche intégrée dès les premières phases de la réponse humanitaire. Elle montre également que dans un contexte de crise prolongée, il est crucial d’impliquer les communautés ciblées par le programme. C’est fondamental pour atteindre notre objectif collectif : sortir de la crise, reconstruire leurs moyens d’existence et préparer l’avenir.
À l’heure où les crises climatiques et sécuritaires tendent à se pérenniser dans la région et à l’heure où de nombreuses chancelleries tournent le dos au financement de la coopération, l’articulation entre aide humanitaire et coopération apparaît comme une voie incontournable. Le succès de cette intervention appelle à sa réplication à plus grande échelle, avec un soutien renforcé à la relance des activités agricoles et aux mécanismes communautaires de protection.
Ce projet a bénéficié du financement de la Direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO).
