Solidarité avec le monde agricole : pour une transition sociale et écologique des politiques agricoles en Europe et au-delà !
Bruxelles, Belgique – Nos alliés Belges (FUGEA, ECVC, Voedsel Anders et Boerenforum) sont très clairs : « La colère des agriculteurs est justifiée ! » Alors que les agriculteur.rice.s français.es et allemand.e.s se mobilisent pour dénoncer leur situation précaire, un constat similaire se dresse en Belgique : les politiques européennes et mondiales (La PAC, les accords de libres échanges) renforcent la répartition injuste des profits dans la chaîne de valeur agro-alimentaire, ignorent et fragilisent l’agriculture paysanne en Europe et ailleurs.
La situation en Belgique : des revenus précaires en Wallonie, une politique de gestion de l'azote défaillante en Flandre
En Belgique, les données sur la rémunération des agriculteurs et agricultrices belges sont assez floues. 20% des agriculteurs et agricultrices wallon.ne.s se situeraient sous le seuil de pauvreté. A Bruxelles, le revenu des agricultrices et agriculteurs bruxellois.e.s est 40% plus bas que le salaire minimum. Le monde agricole belge est défini par sa précarité et des conditions de travail difficiles. A cela s’ajoutent des inégalités de genre (invisibilisation du travail des femmes, répartition inégalitaire des charges domestiques, surreprésentation en tant que conjointes aidantes) comme l’a démontré le dernier rapport d’Oxfam à ce sujet.
En Flandre, au-delà des questions de rémunérations insuffisantes et des inégalités genrées, la politique de gestion de l'azote fait l'objet de critiques. Cette politique a entraîné des tensions entre les directives environnementales et les besoins des agriculteur.rice.s. Les normes strictes sur l'émission d'azote, bien que essentielles pour la protection de l'environnement et contraignantes (en vue des obligations européennes) ont été perçues par beaucoup comme un frein à la viabilité économique de leurs exploitations agricoles.
L’agro-industrie et la grande distribution
Pendant que les agriculteur.rice.s peinent à percevoir un salaire décent, les acteurs de l’agro-industrie et la grande distribution, organisés en puissants monopoles, imposent leurs prix et réalisent des superprofits. Comme l’indique Oxfam, 18 grandes entreprises du secteur alimentaire ont réalisé en moyenne environ 14 milliards de dollar de profit exceptionnels rien qu’en 2021 et 2022 et ce alors que les prix mondiaux des denrées alimentaires ont augmenté de plus de 14% en 2022.
Face à cette absurdité, Oxfam plaide depuis bien longtemps pour l’instauration d'une taxation de ces superprofits afin de réorienter ces revenus vers des mesures sociales en soutenant les agriculteur.rice.s à petite échelle.
Double peine pour le monde majoritaire
Ces inégalités s'étendent au-delà des frontières européennes, touchant particulièrement les agriculteur.rice.s et paysan.ne.s des pays du monde majoritaire. Ces personnes font face à une volatilité des prix sur les marchés mondiaux, à des abus et violations des droits humains et se retrouvent les plus impactées par les effets de la crise climatiques. Sécheresses, inondations, et dégradation des sols menacent directement leur capacité à cultiver la terre, dans un contexte où l'accès aux aides publiques est presque inexistant dans certains pays.
De plus, les agricultrices subissent systématiquement des abus genrés. En 2021, Oxfam International a mené son enquête auprès des travailleuses agricoles au Costa Rica et en Afrique du Sud dans le secteur fruitier et vitivinicole à destination des supermarchés européens. Souvent immigrées, ces dernières dénoncent les rémunération faibles, l’exposition aux pesticides, le manque d'accès à des sanitaires, à l’eau potable et la peur constante d’être expulsées.
Le Green Deal, la PAC et les accords de libre-échange ignorent totalement la réalité des agriculteurs et agricultrices
L’Union Européenne est sur le point de renégocier l'accord controversé avec le Mercosur. Cet accord vise à faciliter les échanges commerciaux entre l'Union Européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay). Cet accord ouvrira les marchés européens à des importations agricoles massives, mettant ainsi sous pression les petits exploitants locaux qui ne pourront pas rivaliser avec les prix des exploitations sud-américains.
Un autre instrument qui fâche est le Green Deal européen. Bien qu’ambitieux dans son objectif de réduction des émissions et de promotion d’une agriculture durable, ce dernier manque totalement de mesures concrètes et contraignantes et doit encore faire ses preuves.
Oxfam Belgique est engagée dans le projet SWIFT, visant à mieux comprendre l’impact des politiques agricoles européennes, notamment les inégalités de genre de la Politique Agricole Commune.
Appels à l'action :
De tels injustices doivent cesser. Nos politiques agricoles européennes et mondiales doivent urgemment transitionner vers un modèle social, juste pour tou.te.s et écologique.
Oxfam Belgique rejoint dès lors l'appel d’AiA, de la FUGEA, du ECVC et de Voedsel Anders à une réorientation fondamentale des politiques publiques et des pratiques commerciales, tant au niveau national qu'européen et international.
Les revendications des organisations paysannes sont claires :
- Stopper le processus de signature de l’accord UE-Mercosur, un accord anachronique qui symbolise toutes les incohérences des politiques européennes ;
- Interdire l’entrée sur le territoire européen de produits qui ne respectent pas nos normes (mesures miroirs). Les instances européennes doivent établir un agenda clair sur les mesures-miroirs pour les mettre en place à court-terme.
- Rétablir une régulation des marchés pour garantir des prix justes et stables. Les instances européennes doivent ouvrir des discussions sur ces chapitres de l’Organisation Commune des Marchés (OCM de la PAC).
- Assurer une augmentation des budgets de la PAC pour soutenir nos fermes et leur évolution. Les instances européennes doivent sortir des réductions budgétaires imposées au secteur agricole.