Au Yémen, le manque d’eau et les maladies tuent plus que les bombes
Un nouveau projet mis en œuvre par Oxfam rétablit des réseaux d’eau endommagés dans le gouvernorat de Hajjah et améliore ainsi l’accès à l’eau pour 85.000 personnes. Nous contribuons ainsi à aider le Yémen à surmonter l'épidémie de choléra qui persiste dans le pays en raison de piètres conditions d'hygiène.
Après 7 ans de conflit entre les rebelles Houthi et les forces loyales au gouvernement, épaulées par une coalition dirigée par l’Arabie Saoudite, la situation humanitaire ne cesse de se dégrader au Yémen. Les Yéménites vivent dans l’angoisse constante des bombardements et leur quotidien est marqué par des déplacements forcés, une famine historique et une épidémie de choléra qui persiste à cause du manque d’eau saine et donc d’hygiène.
Près de 18 millions de Yéménites privés d’eau potable
17,8 millions de personnes (sur les 28 millions d’habitant.es que compte le pays) n’ont pas accès à l’eau potable, ni à des systèmes d’assainissement adéquats. La pénurie en eau ne date pas d’hier dans ce pays aride où les précipitations sont limitées. Mais la guerre a réduit ces faibles ressources en eau comme peau de chagrin.
En effet, depuis mars 2015, les combats ont causé des dommages considérables aux infrastructures publiques et civiles. Des attaques ont détruit plusieurs réservoirs d’eau qui approvisionnaient des villages entiers mais aussi des centres de désalinisation d’eau marine et des conduites à travers le pays. Par conséquent, les capacités de distribution d’eau ont été réduites de moitié au Yémen.
Une goutte d’eau dans un océan de besoins
À Al Kharazah, dans la province de Hajjah, il n’y a plus du tout d’eau courante. Si le village a pour l’instant été épargné par les bombardements, les pompes qui captent l’eau dans l’unique puits du village ont cessé de fonctionner en raison de l’envolée des prix du carburant. En effet, le système de pompage fonctionnait au diésel dont le prix a triplé depuis le début de la guerre et est devenu impayable pour les autorités locales.
Lorsque nous avons rencontré pour la première fois Mohammed Shoe’e, le sheikh d’Al Kharazah, il était complètement désemparé. « Les villageois dépendent de l’eau extraite par ces pompes pour vivre. Et les besoins ne cessent d’augmenter », nous confiait-il. Et pour cause, en 7 ans de conflit, la population du village a doublé. « Nous avons accueilli 1.200 personnes déplacées. Avec l’augmentation de la population, les besoins sont devenus plus importants. Et les gens qui vivent ici ne peuvent pas se payer l’eau livrée par camions par des vendeurs ambulants, eux-mêmes obligés d’augmenter le prix de l’eau pour payer leur essence », concédait-t-il.
Résultat, les habitant.e.s d’Al Kharazah ont dû se résigner à puiser de l’eau dans des puits creusés à la main, un réel danger pour leur santé car cette eau est impropre à la consommation.
Assurer un approvisionnement en eau durable
Nos équipes ont pu intervenir en urgence, grâce à un financement européen et au soutien de nos donateurs et donatrices. Mais plutôt que de réhabiliter l’ancien système, nos ingénieur.e.s ont décidé d’installer de nouvelles pompes qui fonctionnent à l’énergie solaire. Une solution idéale pour ce pays de la péninsule arabique qui connait un ensoleillement quasi permanent. Afin d’éviter que les villageois.e.s dépendent entièrement du puits, nous avons également entamé la construction d’un château d’eau en béton d’une capacité de stockage de 50.000 litres, qui est sur le point d’être achevé.
Pour Samar, une jeune femme de 19 ans, qui vient tout juste de décrocher son diplôme de fin d’étude et qui rêve de devenir institutrice, c’est un énorme soulagement : « Je m’occupe de la corvée d’eau depuis des mois. Je dois parcourir de longues distances pour en trouver, parfois pendant des heures. C’est une corvée très ingrate, qui me fait mal au dos. Je viens tous les jours suivre l’évolution des travaux car c’est une grande source d’espoir pour moi et ma famille », confie-t-elle.
Du choléra à la Covid
Le manque criant d’accès à l’eau potable est aussi un terrain plus que propice à la propagation du choléra. Depuis le début de la guerre au Yémen, ce sont en moyenne 50 nouveaux cas de choléra qui ont été enregistrés par heure. Triste record : l’OMS a recensé plus de 2,7 millions de cas suspects depuis 2017.
Le pays souffre par ailleurs d’un manque criant d’hôpitaux, d’équipements, de médicaments et de personnel pour faire face. Aujourd’hui, seul 50% des centres de santé fonctionnent encore. Face à une telle situation, la pandémie de coronavirus a fait peser une toute nouvelle menace sur les Yéménites. D’autant plus qu’à peine 1% de la population est actuellement vaccinée.
« Le Yémen a l'un des taux de mortalité dus au COVID les plus élevés au monde. De nombreuses personnes sont très faibles car elles n'ont pas les moyens de se nourrir correctement et sont dès lors très vulnérables au virus », observe Muhsin Siddiquey, directeur d’Oxfam au Yémen. Sur place, les capacités de test sont tellement faibles, qu’il est difficile de se faire une idée de la propagation du virus.
Dans la province de Hajjah, nos équipes ont donc misé sur la prévention et sur l’information. En effet, beaucoup de personnes n’ont jamais entendu parler du coronavirus, surtout dans les zones reculées. Depuis que le virus a fait son entrée au Yémen, nous avons fait de la prévention auprès de 80.000 personnes dans la province de Hajjah, surtout auprès des personnes âgées et immunodéprimées et avons distribué plusieurs milliers de kits d’hygiène et installé des stations de lavage des mains.
Un sursaut politique pour mettre fin à la guerre
Mais pour mettre un terme à cette guerre qui a déjà causé la mort de 377.000 personnes d’après l’ONU, dont 227.000 dues aux conséquences indirectes du conflit comme les maladies et le manque d’eau, la communauté internationale doit sortir de son apathie. À l’heure où le pays connait une nouvelle montée des violences, Oxfam lance un nouvel appel au Conseil de Sécurité des nations unies à relancer les pourparlers de paix pour que le Yémen ne soit plus le théâtre de la « pire crise humanitaire au monde ».
Photos: Ahmed Al Fadeel/Oxfam
Je soutiens les Yéménites
La réponse humanitaire déployée dans la province de Hajjah a bénéficié du financement de l'Union Européenne (Protection Civile et Opérations d'aide humanitaires européennes).