La faim, l’autre virus qui menace le monde
Le nombre de personnes souffrant de famine a été multiplié par six depuis le début de la pandémie. La situation est particulièrement grave au Yémen, en RDC, en Syrie et en Éthiopie, où près de la moitié de la population est confrontée à des niveaux d’insécurité alimentaire préoccupants.
La faim continue de toucher de plus en plus de personnes aux quatre coins du globe. Notre dernier rapport intitulé « Le virus de la faim se propage » dresse un bilan alarmant : cette année, 20 millions de personnes supplémentaires sont confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire extrêmes, soit 155 millions au total. Cela veut dire qu’elles ne parviennent plus à manger tous les jours.
Pire, depuis le début de la pandémie, le nombre de personnes vivant dans des conditions de famine a été multiplié par six, atteignant 520.000 personnes. Pour rappel, on parle de famine quand la malnutrition est tellement généralisée que les gens commencent à mourir de faim faute d'accès à une nourriture suffisante et nutritive.
Les conflits, principale cause de la faim
La majorité des personnes confrontées à la faim vivent dans 23 pays déchirés par la guerre. 100 millions de personnes souffrent de la faim à cause de conflits aujourd’hui, dont plus de 16 millions de Yéménites, soit la moitié de la population de ce pays en guerre depuis 6 ans.
Salem et son fils Omar font partie des 4 millions de personnes déplacées que compte le Yémen. Leur histoire illustre parfaitement à quel point la vie est devenue insupportable pour ses habitant.e.s : comme Salem, des millions d’autres Yéménites ont perdu leur emploi et n'ont donc plus les moyens de nourrir leur famille en suffisance et comme la moitié de leurs compatriotes, ils vivent dans l'angoisse constante des bombardements.
Depuis avril 2020, Oxfam a aidé 150.000 Yéménites en leur distribuant des sommes d’argent et en leur apportant de l’eau potable. Mais la diminution de l’aide internationale a mis un frein à l’intervention des agences humanitaires, aggravant ainsi la crise alimentaire. En effet, moins de la moitié de l’appel des Nations Unies pour l’intervention humanitaire au Yémen a été financée. Par conséquent, l’aide alimentaire a été réduite pour 5 millions de personnes en mai 2021. Une situation dénoncée par Gabriela Bucher, directrice d’Oxfam International, qui estime que la responsabilité des états ne s’arrête pas à des dons d’argent et pointe du doigt « une communauté internationale dont les pays les plus puissants provoquent la famine avec un approvisionnement abondant en armes ».
La faim monte, la pandémie l’aggrave
Pour la première fois depuis les années 90, l’extrême pauvreté augmente dans le monde. C’est une conséquence directe du choc économique causé par les mesures de confinement et les fermetures des frontières, des entreprises et des marchés. Elles ont précipité 40 millions de personnes dans la faim dans 17 pays du monde, surtout ceux où le secteur informel est dominant et où la sécurité sociale est loin d’être universelle.
Dans un pays comme la Syrie, éprouvé par 10 années de guerre et où près de 90 % des foyers vivaient déjà sous le seuil de pauvreté, le déclin économique aggravé par la COVID-19 a été la goutte qui a fait déborder le vase. Il a entraîné une dégringolade historique de la livre syrienne et une augmentation de 313 % du prix moyen du panier alimentaire en à peine un an.
À cause de cette inflation record, la quasi-totalité des aliments de base sont hors de portée pour Aisha Ahmad, qui élève seule ses 8 enfants à Alep. « Le peu que je gagne à la ferme couvre difficilement les dépenses de ma famille. Le prix des pommes de terre a un peu baissé, ce qui me permet d'en acheter en cette saison. Parfois, je parviens à nous payer des légumes bon marché, mais pas tout le temps », regrette cette veuve de 38 ans, loin d’être la seule dans le cas. Actuellement, trois Syrien.ne.s sur cinq sautent des repas tous les jours.
Pour enrayer la progression de la faim, Oxfam a apporté son soutien à plus de 120.000 Syrien.ne.s depuis le début de la pandémie, notamment en distribuant semences et outils aux communautés paysannes, en réhabilitant les réseaux d’irrigation et en distribuant de l’argent aux personnes les plus vulnérables pour qu’elles puissent se nourrir.
Pendant ce temps, la crise climatique s’accélère
On l’oublierait presque, mais la crise climatique menace toujours plus la sécurité alimentaire de millions de personnes dans le monde. Le nombre de catastrophes climatiques a même triplé depuis 1980 : on enregistre désormais un événement météorologique extrême par semaine. Et c’est sur le continent qui contribue le moins à la pollution mondiale, l’Afrique, que le dérèglement climatique s’accélère le plus rapidement (à raison de 0,4 °C par décennie, deux fois plus que le taux de réchauffement global) et où il bouleverse le plus de vies.
Située à l’est du continent, l’Éthiopie est en ce moment à nouveau confrontée à une crise alimentaire, 30 ans après les grandes famines des années 1980. Les causes sont multiples : d’une part, un conflit armé opposant le gouvernement éthiopien au gouvernement régional du Tigré a plongé 350.000 personnes dans un état de famine, et d’autre part, l’Éthiopie est victime de sécheresses récurrentes et de plus en plus longues, qui détruisent les récoltes de ce pays agricole.
La superposition de ces deux crises, l’une provoquée par la guerre civile et l’autre par le réchauffement climatique, a bouleversé la vie de Maryan Bodhle et de ses enfants. Les conflits interethniques ont emporté son mari tandis que son seul moyen de subsistance – un cheptel de 20 chèvres que sa famille a pu acheter avec le soutien financier d’Oxfam - ne trouve plus d’herbe à brouter. « L'impact du changement climatique est ressenti par les gens d'ici depuis longtemps ; et chaque fois qu'une sécheresse prolongée touche une région, les gens ont pris l'habitude de partir vers une contrée plus favorable », témoigne Maryan, qui risque elle aussi de devoir se mettre à la recherche de terres plus hospitalières pour son bétail et ainsi garantir la survie de sa famille.
Depuis le début de la pandémie, Oxfam a aidé près de 15 millions de personnes dans 68 pays en leur fournissant de l'eau potable, de la nourriture, de l'argent et des kits d'hygiène. Mais les besoins restent énormes à l’heure où moins de 30 % de l'appel des Nations unies pour assurer la sécurité alimentaire des populations en danger a été financé. « Un échec politique retentissant », selon Oxfam.