Communiqué de presse20 juin 2024

L’année dernière, l’augmentation des inondations et des sécheresses a forcé des personnes à fuir 8 millions de fois, soit deux fois plus qu’il y a dix ans

Un classement publié aujourd’hui par Oxfam révèle que les catastrophes liées à l'eau ont forcé près de huit millions de personnes à quitter leur foyer dans dix des pays les plus touchés l'année dernière, ce qui représente une augmentation de 120 % par rapport à la décennie précédente. Publié à l'occasion de la Journée mondiale des personnes réfugiées, le classement montre que dans cinq de ces pays, les niveaux critiques d’insécurité alimentaire ont presque triplé au cours de la même période.

D’après la base de données mondiale sur les déplacements internes (GIDD), la Somalie, la Chine, les Philippines, le Pakistan, le Kenya, l'Éthiopie, l'Inde, le Brésil, le Bangladesh et la Malaisie figurent parmi les pays qui ont connu le plus grand nombre de déplacements de population dus à des inondations et à des sécheresses l'année dernière. Dans ces pays, le nombre de personnes déplacées est passé de 3,5 millions en 2013 à 7,9 millions en 2023.

Les changements climatiques ont augmenté l'intensité et la fréquence des inondations et des sécheresses. Selon les données recueillies par Oxfam, les inondations et les sécheresses enregistrées dans les dix pays les plus touchés sont passées de 24 en 2013 à 656 l'année dernière. À titre d’exemple, la Somalie à elle seule a été touchée par 223 inondations et sécheresses en 2023, contre seulement deux en 2013. Les Philippines ont été touchées 74 fois (contre seulement trois fois en 2013), le Brésil 79 fois (contre quatre fois en 2013) et la Malaisie 127 fois (contre une seule fois en 2013).

À l'échelle mondiale, les inondations et les sécheresses ont, à elles seules, contraint plus de 10 millions de personnes, soit quasiment la population du Portugal, à quitter leur domicile l'année dernière.

D’après les calculs d’Oxfam, au Bangladesh, en Éthiopie, au Kenya, au Pakistan et en Somalie (qui figurent parmi les pays les moins préparés pour faire face aux effets des changements climatiques), le nombre de personnes souffrant de faim aiguë est passé de 14 millions en 2013 à plus de 55 millions en 2023. « Les injustices climatiques sont légion. Qu’il s’agisse des innombrables décès dus à la chaleur suffocante au Bangladesh ou aux milliers de personnes contraintes de fuir les inondations au Pakistan, ce sont toujours les personnes les plus vulnérables et les moins responsables de la crise climatique qui paient le tribut le plus lourd, tandis que les pays riches et pollueurs continuent à faire trop peu et trop tard pour les aider, estime Nuzhat Nueary, responsable de l’insécurité liée à l’eau et coordinatrice des politiques climatiques d’Oxfam.

« Les changements climatiques et le phénomène El Niño ont intensifié les sécheresses, les inondations et les cyclones, toutes ces catastrophes ont des répercussions sur la vie et les moyens de subsistance des populations. Conjuguées aux conflits, aux chocs économiques et aux profondes inégalités, elles ont aussi aggravé le problème de la faim. En outre, les déplacements massifs de population exercent une pression sur les ressources limitées en eau, ce qui accroit le stress hydrique dans ces pays », poursuit-elle.

En Somalie, l'augmentation continue des températures (1,5° C, contre 1° C en 1991) a entraîné des sécheresses plus fréquentes et plus longues, souvent suivies d'inondations soudaines et de cyclones. Bien que le pays ait généré moins de 0,03 % des émissions mondiales de carbone (à titre de comparaison, la Belgique se classe au 9e rang des pays les plus émetteurs de CO2 par habitant), il a subi des pertes qui s’élèvent à plusieurs milliards dues aux inondations et aux sécheresses récurrentes. Les inondations de décembre dernier à elles seules ont un coût de reconstruction estimé à 230 millions de dollars.

La dernière saison du Deyr, qui faisait suite à cinq saisons consécutives de sécheresse, a donné lieu à des inondations massives qui ont contraint 1,2 million de personnes à fuir leur domicile et entraîné 118 décès. Ces catastrophes ont aggravé les conséquences du conflit en cours, de l'instabilité politique et des chocs économiques, et laissé près de la moitié de la population somalienne dans un besoin urgent d'aide humanitaire.

« J’ai perdu tous mes animaux durant la sécheresse. J’ai fui à pied avec mes enfants, on a mis trois jours à atteindre Baidoa. Le trajet a été difficile. Je n’avais pas de nourriture ni d’eau pour mes enfants. Certains sont tombés malades en cours de route », raconte Hassan Mohamed, un père déplacé réfugié à Baidoa, en Somalie.

Au Bangladesh, des cyclones imprévisibles et d'autres catastrophes liées à l'eau ont forcé plus de 1,8 million de personnes à quitter leur domicile en 2023. Ils ont causé des dommages graves aux infrastructures, notamment aux écoles, aux marchés et à d'autres services essentiels. Le pays n’est responsable que de 0,56 % des émissions mondiales de carbone.

Asgor Kha et Moriom, qui viventau village de Lebubunia, dans le district de Satkhira au Bangladesh, déclarent : « Nous avons perdu notre maison quatre fois à cause des cyclones. Nous n’avons toujours pas fini de rembourser le prêt immobilier. Notre fils est le seul membre de la famille qui a un revenu, mais il du mal à trouver du travail dans la région ».

Zerin Ahmed, responsable des programmes d’Oxfam au Bangladesh, explique : « Privées de récoltes et de revenus, les familles ont été contraintes de se déplacer, certaines à de multiples reprises. Les personnes qui restent vivent dans la peur constante de l’avenir car les cycles de catastrophes répétées ont épuisé leurs ressources et leurs capacités de résilience ».

« Nous pouvons mettre fin aux souffrances des populations. Les pays riches et pollueurs doivent réduire leurs émissions et fournir des financements climats adéquats aux pays les plus touchés par la crise climatique, pour qu’ils soient plus à même de faire face aux chocs climatiques et de se reconstruire », ajoute Nuzhat Nueary.

« Ils doivent aussi allouer des ressources au nouveau fonds pour pertes et dommages. Il ne s’agit pas d’un geste de bonne volonté mais d’une obligation découlant des dommages qu’ils ont causés. Avec les financements adéquats, la plupart des pays touchés pourront mettre en place des systèmes d'alerte précoce et d'autres mesures pour se préparer aux effets des changements climatiques et les atténuer. En outre, ils auront plus de ressources pour investir dans la protection sociale afin d'aider les populations à faire face aux chocs.

« Les communautés locales en première ligne de la réponse climatique, ainsi que les groupes vulnérables (notamment les femmes, les jeunes et les communautés autochtones) ont déjà trouvé des solutions, elles doivent être au cœur des décisions, des financements et des initiatives climatiques », conclut Nuzhat Nueary.

Notes aux rédactions

 

  • Des porte-paroles francophones peuvent répondre à d’éventuelles questions depuis le siège d’Oxfam International, au Kenya.
  • Oxfam a établi le classement des dix pays où les déplacements dus aux catastrophes hydriques sont les plus importants en se basant sur le nombre de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays par les inondations et les sécheresses au cours de la période 2013-2023. Elle a repris les chiffres fournis par la base de données mondiale sur les déplacements internes (Global Internal Displacement Database - GIDD). Le nombre total de personnes déplacées dans ces 10 pays combinés était de 3 588 827 en 2013 et de 7 909 369 en 2023, ce qui représente une augmentation de 120,389 %. Source : Base de données mondiale sur les déplacements internes (GIDD).
  • Le nombre total de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays en raison de sécheresses et d'inondations au niveau mondial au cours des dix dernières années (2013-2023) s'élève à 115,2 millions. Source :  base de données mondiale sur les déplacements internes consultée le 1er juin 2024.
  • D’après les données de la GIDD, sur un total de 259,9 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays en raison de tous les types de catastrophes au cours de la période 2013-2023, 109,9 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur de leur pays en raison des inondations, ce qui représente 42,31 % de l'ensemble des déplacements provoqués par des catastrophes.
  • Oxfam a calculé les niveaux d’insécurité alimentaire pour le Bangladesh, le Kenya, le Pakistan et la Somalie en se basant sur les données du cadre classification de l'insécurité alimentaire aiguë (IPC) de 2013, et les données de l'IPC 2023 du Rapport mondial sur les crises alimentaires 2024 (GRFC). Pour l'Éthiopie, les données sont basées sur les estimations du gouvernement éthiopien concernant la faim aiguë pour 2013, et sur les données du GRFC 2024 relatives à l’année 2023.
  • L’index ND-GAIN Country fait le point sur la vulnérabilité des pays aux changements climatiques et à d'autres défis mondiaux, ainsi que leur capacité à améliorer leur résilience. La Somalie, l'Éthiopie, le Bangladesh, le Kenya et le Pakistan figurent parmi les pays les moins bien classés à cet égard.
  • La saison du Deyr en Somalie est la deuxième saison des pluies, plus courte que la première, qui s’étend entre octobre et décembre.
  • Les chiffres des émissions de carbone de la Somalie sont basés sur le 15e rapport d'étape de l'autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) sur le projet de résilience en Somalie.
  • Les données relatives aux pertes et dommages en Somalie sont basées sur le rapport sur l’évaluation rapide des besoins après la catastrophe des inondations du Deyr 2023 (en anglais) et sur le rapport d’évaluation des besoins et des conséquences de la sécheresse en Somalie publié par la Banque mondiale (en anglais).
  • Depuis les années 1970, 44 % des catastrophes sont liées à des inondations. Source : Rapport de synthèse AR6 du GIEC.
  • Le Bangladesh n’est responsable que de 0,56 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et se classe au septième rang des pays les plus vulnérables aux changements climatiques. Source : transition énergétique de l’ONU au Bangladesh  et indice ND Gain de l’Université Notre Dame.
  • En 2023, environ 1,8 million de personnes ont été déplacées à l'intérieur du Bangladesh en raison d'inondations, de cyclones et d'autres événements liés aux tempêtes. Source : base de données du GIDD consultée le 1er juin 2024.
  • Des photos sont disponibles ici : https://oxfamint.resourcespace.com/?c=13928&k=35a43f64e0
  • Oxfam Belgique a lancé un appel aux dons pour venir en aide aux personnes frappées par la crise climatique.

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