Le Sud-Kivu accueille plus de 1,4 million de personnes déplacées par la guerre : bilan de l’action humanitaire d’Oxfam
Alors que la situation sécuritaire reste très dégradée dans l’est de la République démocratique du Congo en raison des combats qui opposent divers groupes armés se disputant le contrôle de la région, le Sud-Kivu n’a jamais compté autant de personnes déplacées sur son sol. Le manque d’accès à la nourriture, à l’eau potable et l’éloignement des enfants du milieu scolaire font partie des plus grandes inquiétudes des organisations humanitaires actives sur place. Dans le cadre d’un projet humanitaire d’une durée de 24 mois financé en partie par l’Union européenne, Oxfam est intervenue auprès de plus de 30 000 personnes déplacées et de familles hôtes dans les domaines de la protection, de l’éducation, de l’alimentation, de l’eau et de l’hygiène. Bilan.
La dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire à l’Est de la RDC a provoqué de vastes mouvements de populations. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’Organisation Mondiale des Migrations dénombre 1,6 million de personnes déplacées en Ituri, 1,5 million de personnes déplacées au Nord-Kivu et 1,4 million au Sud-Kivu, faisant de cette dernière la province qui abrite la troisième plus grande population de personnes déplacées de toute la RDC.
Au Sud-Kivu, l’hébergement des ménages déplacés se fait souvent au sein de familles d’accueil. Celles accueillies dans des camps ou des centres de personnes déplacées sont exposées à l’insécurité et à la promiscuité et donc aux risques sanitaires, de protection et de violences basées sur le genre. Les violences et le conflit empêchent également les civils d’accéder à leurs champs et aux marchés et bien souvent de rentrer chez elles puisque leurs maisons ont été partiellement ou entièrement détruites. Ce qui génère insécurité alimentaire et toujours plus de pauvreté.
Scolariser les enfants déplacés
Les besoins humanitaires – et la nécessité de retrouver le chemin de la paix - n’ont jamais été aussi prégnants dans la région. L’un des chantiers prioritaires d’Oxfam au Sud-Kivu a été de permettre aux enfants déplacés de retourner à l’école. En effet, d’après les autorités du Sud-Kivu et OCHA, 36 000 enfants sont privés d’éducation dans la province du Sud-Kivu, plus particulièrement dans le territoire d’Uvira.
Pour ce faire, nos équipes ont notamment collaboré avec Street Child et deux ONG congolaises : CEDIER (Le Centre de Développement Intégral de l’Enfant Rural), qui travaille sur la protection des civils et apporte un soutien aux adolescent.e.s et le Groupe Milima, qui lutte contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté dans les hauts et moyens plateaux d’Uvira.
Ensemble nous avons construit ou réhabilité 20 écoles primaires, aidé 800 enfants à réintégrer l’école, veillé au rattrapage scolaire de plus de 1000 enfants et formé 200 enseignants et enseignantes à l’éducation en situation de crise.
Les familles d’accueil, aux premières lignes de la solidarité
Dans le village de Bwegera, situé dans le territoire d'Uvira, la communauté s'est mobilisée pour accueillir et soutenir les déplacé.e.s qui ont frappé à leur porte. Emmanuel Ndayishimiye, cultivateur et président du comité des parents de l'école primaire locale, témoigne des défis rencontrés par les personnes déplacées et les communautés qui les ont accueillies.
Heureusement, tout le village s’était organisé pour les accueillir et nous les avons aidés selon nos forces
Quand les déplacés sont venus, ils ressemblaient aux gens qui ont beaucoup souffert, souvent ils n’avaient rien, ils venaient peut-être de marcher pendant plusieurs jours.
Emmanuel Ndayishimiye, Président du comité des parents de l'école primaire locale
Cette solidarité n’est pas un cas isolé. En réalité, plus de deux tiers des personnes déplacées vivent dans des familles d’accueil en RDC, d’après l’Organisation Internationale des Migrations.
L'accueil des déplacé.e.s a posé des défis alimentaires et d’abris pour la communauté, mais aussi de scolarité. D’après Emmanuel, l'arrivée de ces nouveaux venus a engendré un surpeuplement des classes de l'école primaire de Bwegera. Les ressources étaient limitées, les bancs insuffisants et les latrines inadaptées à la nouvelle réalité. Des problématiques auxquelles nous avons apporté ensemble des solutions concrètes.
« L'école a été entièrement réhabilitée », explique Emmanuel. « De plus, des latrines ont été construites, protégées par des murs, avec des robinets pour se laver les mains. Plusieurs récupérateurs d’eau de pluie ont été aménagées, offrant ainsi un environnement hygiénique aux élèves et à la communauté environnante. »
En plus du soutien apporté par Oxfam, Street Child et son partenaire EBENEZER ont également contribué à rénover l'école en investissant dans des infrastructures essentielles telles que des pavements, des plafonds et des fenêtres. Aujourd'hui, les enfants de Bwegera bénéficient d'un cadre d'études plus confortable et sécurisé.
Des brigades de l’hygiène en milieu scolaire
Les enfants aussi se sont retroussé les manches. Le projet a créé des brigades scolaires dans le but de responsabiliser les enfants dans la prise en charge de l’assainissement et de l’hygiène dans leurs écoles. Noëlla Silusita, 14 ans, est cheffe de brigade de son école. Sa mission consiste à sensibiliser ses camarades sur l'importance de l'hygiène. Elle témoigne : « Nous enseignons aux élèves comment maintenir la cour de l'école, les latrines et les salles de classe propres. Avant la mise en place de la brigade scolaire, nous n'étions pas conscients des dangers liés à la saleté de l'école. Les conditions d'hygiène étaient mauvaises, les toilettes étaient insalubres et nous les utilisions sans nous rendre compte du danger. Grâce à notre engagement, notre école est désormais plus propre et plus sûre. Nous contribuons à prévenir des maladies comme le choléra qui a frappé notre village par le passé ».
Assurer l’hygiène menstruelle en situation de crise
La précarité menstruelle des jeunes filles fait aussi partie des grandes priorités de la brigade. En effet, de nombreuses adolescentes n’ont pas toujours les moyens d’acheter des produits menstruels ou d’accéder à des installations d’eau et d'assainissement pour assurer leur hygiène menstruelle. La pauvreté, les politiques publiques et les lois fiscales insensibles au genre contraignent donc des milliers de jeunes filles à manquer l’école parce qu’elles ne sont pas en mesure de se payer des produits vendus à un coût prohibitif. Noëlla et sa brigade tentent d’apporter une réponse à cette inégalité.
Un aspect crucial de notre action est la sensibilisation des filles à la gestion des règles menstruelles
Nous avons reçu une formation spécifique et des kits d'hygiène intime ont été distribués aux filles. Désormais, si une fille a ses règles en classe, l'école intervient directement pour lui apporter son soutien. Les garçons ont également été sensibilisés sur ce sujet afin de mettre fin aux moqueries et aux attitudes déplacées envers les filles. Je suis très fière de faire partie de cette brigade !
Noëlla Silusita, cheffe de la brigade de l'hygiène de son école
Eau, assainissement, alimentation et protection : bilan de deux ANS d’action
Gustave Mwamba est Chef de bureau pour Oxfam à Uvira et responsable du projet déployé au Sud-Kivu. Il travaille depuis 2018 avec Oxfam dans des situations humanitaires d'urgence, notamment en tant que responsable du département de sécurité alimentaire. S’il reconnait volontiers que l’école a été la porte d’entrée de ce projet, il précise qu’il contient beaucoup d’autres volets. Au moment de clore ce vaste projet, il revient sur quelques-unes de ses autres réalisations.
Nous avons construit 30 sources d'eau potable, amenant un soulagement indispensable aux communautés affectées.
L'hygiène à proximité des écoles a été une de nos grandes priorités. Des latrines ont été construites dans les écoles, notamment dans les villages de Muramvya, Bijombo, Bwegera et Lemera. La sécurité alimentaire a également été une grande préoccupation pour nous : nous avons distribué de la nourriture via des transferts monétaires et fourni des semences maraîchères et des outils agricoles à 1500 ménages. De plus, le projet a encouragé l'autonomisation économique de nombreuses personnes, surtout des femmes, grâce à la mise en place d'associations villageoises d'épargne et de crédit.
Gustave Mwamba, Chef de bureau pour Oxfam à Uvira.
Le respect de l'environnement a également été pris en compte, avec la plantation d'arbres fruitiers aux abords des écoles pour préserver le biotope. En collaborant avec des partenaires, nous avons soutenu ensemble 2600 personnes dans le secteur de l'eau, de l'hygiène et de l'assainissement, ainsi que 31 000 individus à travers nos actions de protection.
« Le projet d'Oxfam incarne un exemple concret de solidarité et d'action humanitaire au service des populations les plus vulnérables », conclut Gustave Mwamba. « Grâce à une approche intégrée et collaborative, nous avons apporté des solutions tangibles aux défis complexes rencontrés dans le territoire d'Uvira au Sud-Kivu. »
Ce projet a été financé par la DG de l’Union européenne pour les opérations de protection civile et d'aide humanitaire (ECHO).