Actualité17 décembre 2025

Dans le camp de Boujdour, l’accès à l’eau redonne souffle aux réfugiés sahraouis en exil

Depuis cinquante ans, 173 000 Sahraoui.es vivent dans des camps près de la ville de Tindouf, en Algérie, loin de leur terre natale du Sahara occidental. Dans le camp de Boujdour, à 32 kilomètres de Tindouf, l’eau a longtemps symbolisé la précarité imposée par un conflit non résolu et cinquante ans d’attente pour la justice. En 2025, Oxfam, avec le soutien d’ECHO (Commission européenne), du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et de la coopération suédoise (SIDA), a achevé un réseau d’approvisionnement vital pour 16 500 personnes. Une avancée humanitaire majeure, dans l’attente d’une solution politique juste et durable. 

Une pénurie d’eau qui mettait en péril la santé et la dignité des exilés sahraouis 

173 000 Sahraoui.es vivent dans cinq camps situés à une distance d’entre 30 et 180km de la ville algérienne de Tindouf, dans des conditions d’isolement extrême. Chaque camp porte le nom d’une ville majeure du Sahara occidental : Aousserd, Smara, Dakhla, Laâyoune et Boujdour. Situés au cœur du désert du Sahara, ils sont caractérisés par des sols arides (la hammada), des températures torrides et une rareté structurelle de l’eau, qui limitent l’activité agricole traditionnelle et compromettent la sécurité alimentaire. 

Pendant des années, Boujdour dépendait entièrement des camions-citernes. Lourds, coûteux, inadaptés aux pistes désertiques, ils tombaient fréquemment en panne et augmentaient les risques de contamination. « Le principal problème avec les camions, c’était le retard de leur arrivée », raconte Embarka Ahmed Labeid, 47 ans, mère de cinq enfants vivant dans le barrio 04. « Nous vivions avec une anxiété constante. Parfois, nous devions annuler des activités quotidiennes comme cuisiner ou nettoyer, juste pour économiser le peu d’eau qu’il nous restait ». Pour Embarka, dont la famille compte une fille en situation de handicap, l’absence d’accès proche à l’eau rendait chaque jour plus difficile. 

Embarka remplit sa poche à eau dans le camp de réfugiés sahraouis de Boujdour, au cœur du désert algérien, un geste quotidien dans un endroit où chaque goutte compte.
Embarka remplit sa poche à eau dans le camp de réfugiés sahraouis de Boujdour, au cœur du désert algérien, un geste quotidien dans un endroit où chaque goutte compte.

Un réseau qui change la vie des familles sahraouies 

Ce quotidien a basculé avec la construction d’un nouveau réseau par Oxfam, en collaboration avec la Direction régionale de l’eau de Boujdour et le ministère de l'Eau (MIAMA). Le système comprend 76,7 km de canalisations, 645 bornes-fontaines à moins de 150 mètres des habitations, et deux réservoirs de 320 m³ pour sécuriser l’approvisionnement. Au total, le réseau dessert 16 500 personnes, offrant une réponse durable à un besoin vital. 

Le réseau a été construit entre 2020 et 2025 grâce aux financements de l'Union européenne, du HCR et de la coopération suédoise. Le dernier tronçon, qui s’achève aujourd’hui, est financé par ECHO, marquant une étape décisive pour garantir un accès durable à l’eau dans un environnement marqué par l’aridité extrême. 

« Depuis que nous remplissons nos réservoirs au robinet, notre situation s’est stabilisée », confie Embarka avec soulagement. « Nous ne craignons plus de manquer d’eau. Ces crises de la soif et de l’eau en général appartiennent au passé. » 

Pour Aziza Mohamed Embarek, enseignante et mère d’une famille nombreuse, l’impact est tout aussi profond : « Avec les bornes-fontaines, nous pouvons enfin maintenir la propreté. Nous faisons la vaisselle, nettoyons les latrines, et même les réservoirs plus souvent, ce qui était tout simplement impossible avant. La propreté affecte notre santé. Et la propreté a besoin d’eau. » 

Grâce à la modernisation des réseaux, à la réduction des pertes d’eau et au renforcement des systèmes de distribution, les familles bénéficient désormais d’un service plus fiable. Moins d’attente, moins de risques pour la santé, et surtout, un poids allégé pour les femmes et les filles qui portaient jusque-là la charge la plus lourde. 

Le projet se démarque par une meilleure efficacité et une utilisation plus raisonnée des ressources hydriques, essentielles dans un contexte d’aridité extrême. Cette approche mise aussi sur la durabilité : en limitant le recours aux camions-citernes, elle réduit l’empreinte carbone et protège l’environnement. 

Embarka et Aziza s’occupent des tâches quotidiennes de nettoyage et d’hygiène dans le camp de réfugiés sahraouis de Boujdour, des gestes essentiels pour préserver la santé dans des conditions difficiles.

Une gouvernance communautaire pour garantir l’équité 

Le succès du réseau ne repose pas seulement sur l’infrastructure, mais sur la coopération communautaire. Oxfam a conçu le système pour que chaque borne-fontaine soit partagée par dix familles au maximum, favorisant la proximité et la gestion collective. Les habitant.es ont coordonné les horaires d’utilisation, organisé le nettoyage et mis en place des règles pour éviter les conflits. 
« Nous n’avons pas de problèmes entre nous », affirme Embarka. « Nous savons que préserver le robinet, c’est nous protéger. » 

Aziza confirme : « Nous sommes prévenus à l’avance des livraisons d’eau, nous pouvons préparer nos réservoirs et nettoyer. Contrairement aux camions, qui arrivaient sans prévenir ». Le projet ECHO porté par Oxfam, renforce concrètement les capacités locales et la gouvernance, tout en consolidant la résilience des communautés. Il ne s’agit pas seulement d’infrastructures : c’est un travail de fond pour que les Sahraoui.es du camp de Boujdour puissent gérer durablement l’eau et faire face aux crises, aujourd’hui et demain. 

Cinquante ans d’exil et une paix toujours en suspens 

Boujdour n’est pas qu’un camp : c’est le symbole d’un exil vieux de cinquante ans. À la suite du retrait de l’Espagne et de l’entrée des forces marocaines au Sahara Occidental en 1975, cinq camps de réfugiés sahraouis ont été établis à proximité de Tindouf, au sud-ouest de l’Algérie. La population des camps est considérée comme réfugiée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et dépend largement de l’aide humanitaire internationale pour couvrir ses besoins essentiels. 

Depuis l’adoption de la Résolution 690 (1991), le Conseil de sécurité des Nations Unies a réaffirmé de manière constante le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et a mandaté la MINURSO pour organiser un référendum libre et équitable. Toutefois, l’absence d’accord entre les parties sur les modalités du référendum empêche toujours sa tenue. 

Situation géographique

Les réfugiés sahraouis sont répartis en 5 camps ou wilayas : Aousserd, Boujdour, Dakhla, Laâyoune et Smara. A ces cinq entités s’ajoute Rabouni, « capitale administrative et politique » où se trouvent les différentes institutions des autorités des réfugiés en place. 

Dans ses résolutions récentes (notamment 2548 (2020), 2602 (2021), 2654 (2022), 2703 (2023) et la résolution du 31 octobre 2025), le Conseil de sécurité souligne la nécessité de parvenir à « une solution politique réaliste, pragmatique et durable fondée sur le compromis ». Ces résolutions prennent note des propositions présentées par les parties, y compris celle du Maroc de 2007 qualifiée de « sérieuse et crédible », sans pour autant constituer une reconnaissance juridique internationale de la souveraineté marocaine sur le territoire. 

Dans ce contexte, l’évolution des prises de position de certains États en faveur du plan d’autonomie marocain complique davantage les efforts visant à débloquer le processus politique. Cette impasse prolonge la situation de dépendance humanitaire des réfugié.es sahraoui.es, dont les conditions de vie restent fragilisées après près de cinq décennies d’exil et le déclin continu du financement de l'Aide Humanitaire. 

Financer l’eau et la dignité, inscrire l’action dans la justice 

Le réseau de Boujdour est un grand succès mais le Sahrawi Refugee Response Plan (SRRP) 2026–2027, lancé par les Nations unies, réaffirme que le secteur de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène dans les camps sahraouis demeure une priorité humanitaire essentielle, dans un contexte où les réfugiés continuent de dépendre fortement de l’aide internationale pour accéder à ces services vitaux. Oxfam appelle à une réponse qui combine trois impératifs :  

  1. Reconnaître que l’accès à l’eau est vital pour la santé, la sécurité, l’autonomie et la dignité des Sahraoui.es,  

  2. Assurer le soutien des bailleurs en maintenant des financements pluriannuels pour stabiliser les services essentiels,  

  3. Et inscrire toute action humanitaire dans une perspective de droits et de justice, incluant l’autodétermination du peuple sahraoui.  

L’accès à l’eau ne doit pas être un substitut à la justice, mais un droit fondamental en attendant la paix. 

Ce projet a bénéficié du financement de la Direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne (ECHO), du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et de la coopération suédoise (SIDA).

© Photos : Adad Ammi/Oxfam 

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