Climat : BNP Paribas mise en demeure de stopper ses soutiens aux nouveaux projets d'énergies fossiles
À la veille du Climate Finance Day, rendez-vous international de la finance qui se tient tous les ans à Paris, les ONG Oxfam France, les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous donnent trois mois à BNP Paribas – 1er financeur européen et 5ème mondial du développement des énergies fossiles (1) – pour se mettre en conformité avec la loi sur le devoir de vigilance. Cette mise en demeure représente la première pierre vers une action en justice inédite, la première au monde à viser une banque commerciale pour ses activités à hauts risques climatiques dans le secteur pétro-gazier.
Depuis plus de 10 ans, Oxfam France, les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous alertent sur la lourde responsabilité de la finance dans la crise climatique (2). Après avoir mené un dialogue dense avec les banques françaises et appelé, sans succès, le gouvernement à jouer son rôle de régulateur auprès du secteur financier, les trois ONG franchissent aujourd’hui une nouvelle étape en mettant BNP Paribas en demeure de cesser immédiatement de soutenir financièrement – directement comme indirectement – les nouveaux projets d’énergies fossiles et de se conformer à l’objectif de limiter le réchauffement global à 1,5 °C.
L’impact climatique des banques est lié à leurs financements et investissements dans des entreprises polluantes. Or, BNP Paribas se distingue en la matière. Alors que les voix de la communauté scientifique, des Nations unies comme de l’Agence internationale de l’énergie (3) convergent et demandent de renoncer à l’exploitation de toute nouvelle ressource d’énergies fossiles, la banque française qui possède des filiales en Belgique, soutient activement et massivement des groupes parmi les plus agressifs dans l’expansion pétrolière et gazière. Ces activités portent un lourd coût climatique : en 2020, l’empreinte carbone de BNP Paribas était ainsi supérieure à celle du territoire français (4).
Pour Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France : « Nous connaissons les noms des grands groupes pétroliers et gaziers, Total en tête, qui ferment soigneusement les yeux sur les drames causés par les dérèglements climatiques, en prévoyant les nouveaux projets d'énergies fossiles par dizaine dans le monde (5). Nous mettons aujourd'hui en garde BNP Paribas, 1er financeur mondial des huit majors européennes et américaines (6), qui a le doigt posé sur le détonateur de ces bombes climatiques. »
Au moment même où la dépendance de nos sociétés aux hydrocarbures nous contraint à subir de plein fouet la flambée des prix de l’énergie – touchant en premier lieu les foyers les plus modestes –, il est urgent d’empêcher les grands responsables dont BNP Paribas de nous propulser dans les prochaines crises. Cette situation est intenable, c’est pourquoi les associations ont décidé d'agir pour s'attaquer à la racine de cette dépendance systémique aux énergies fossiles : les soutiens financiers.
Pour Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer à Oxfam France : « Chaque nouveau projet fossile financé par BNP Paribas, c’est davantage de sécheresses, d’inondations, de feux de forêt, mais aussi de hausse de prix de l’énergie. Ce qui s’ouvre c’est le procès d’un monde qui change, afin que la finance d'aujourd'hui façonne le monde durable de demain. »
Dans ce contexte, les associations ont décidé de rappeler formellement à BNP Paribas ses obligations légales issues de la loi sur le devoir de vigilance entrée en vigueur en 2017 (7). Les associations considèrent que la banque ne possède pas de plan solide d’identification, d’atténuation et de prévention des risques induits par ses activités pour l’environnement et les droits humains.
Pour Justine Ripoll, responsable de campagnes pour Notre Affaire à Tous : « La loi sur le devoir de vigilance a explicitement consacré dans le droit français la responsabilité des multinationales, y compris des acteurs financiers, en matière de protection de l’environnement et de respect des droits humains. Malgré des effets d’annonces, les mesures de vigilance prises par BNP Paribas, 1er financeur européen du développement des énergies fossiles (8), pour se conformer à la loi ne s’avèrent ni suffisantes ni adaptées. »
BNP Paribas a désormais trois mois pour se mettre en conformité avec la loi, délai à partir duquel, en l’absence de réponse satisfaisante, les associations pourront se tourner vers le juge. Cette action en justice constituerait le premier contentieux climatique du monde à mettre un acteur financier face à ses obligations légales et à demander l’arrêt immédiat du soutien aux nouveaux projets pétroliers et gaziers.
Cette procédure judiciaire et cette campagne seront suivies de près en Belgique, où une proposition de loi sur le devoir de diligence est actuellement à l’étude à la Chambre, et plus largement dans l’Union Européenne puisque la Commission européenne a également mis sur la table une proposition en février 2022.
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Notes aux rédactions
- Voir les détails ci-dessous dans les chiffres clés.
- Rapports publiés par nos ONG établissant la responsabilité des banques, y compris BNP Paribas, au cours des 5 dernières années (2017-2022).
- L’Agence internationale de l’énergie affirme dans son rapport « Net Zero by 2050 » publié le 17 mai 2021 que :« Au- delà des projets déjà engagés en 2021, il n’y a plus de nouveau gisement de pétrole et de gaz à approuver dans notre trajectoire, et aucune nouvelle mine de charbon ou extension de mine n'est nécessaire. ». Agence internationale de l’énergie, 2021. Net Zero by 2050.
- Oxfam France, 2021. Banques et climat : le désaccord de Paris.
- Une étude analysant 195 « méga » projets pétroliers et gaziers portés par les majors du secteur a montré que ces projets suffiraient à épuiser le budget carbone 1,5°C restant. The Guardian, 2022. Revealed: the ‘carbon bombs’ set to trigger catastrophic climate breakdown.
- Voir les détails ci-dessous dans les chiffres clés.
- Cette loi française pionnière devrait permettre des avancées considérable en termes de justice environnementale. Elle oblige certaines grandes entreprises multinationales françaises, dont les banques et autres acteurs financiers, à prendre des mesures propres à identifier et à prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé et à la sécurité des personnes, et à l’environnement résultant de leurs propres activités et celles de sociétés qu'elles contrôlent directement ou indirectement, ainsi que celles de leurs fournisseurs et sous-traitants avec lesquelles elles entretiennent une relation commerciale établie, et ce tant en France qu’à l’étranger. Ces mesures doivent être publiées annuellement dans un plan de vigilance, mises en œuvre de façon effective et suivies par l’entreprise pour s’assurer de leur efficacité.
- Voir les détails ci-dessous dans les chiffres clés.
Chiffres clés
- BNP Paribas est le 1er financeur européen et 5ème mondial du développement des énergies fossiles, avec 55 milliards de dollars de financements accordés entre 2016 et 2021.
- BNP Paribas est le 1er financeur mondial des 8 majors des pétrole et gaz américains et européennes – Total, Chevron, ExxonMobil, Shell, BP, ENI, Repsol, Equinor –, avec 43 milliards de dollars de financements accordés à leurs activités dans les énergies fossiles entre 2016 et 2021.
- BNP Paribas se distingue dans certains secteurs critiques pour l’environnement comme l’exploitation des hydrocarbures en Arctique, dont elle est le1er financeur mondial, avec près de 6 milliards de dollars de financements accordés à ce secteur entre 2016 et 2021.
- Ces données financières sont issues de la recherche international Banking On Climate Chaos, publiée chaque année et soutenue par près de 500 organisations de la société civile dans le monde. Les volumes de financements ci-dessus couvrent les transactions de prêts et d’émissions d’actions et d’obligations – hors transactions bilatérales – dans lesquelles 4* a été impliquée entre 2016 et 2021, au prorata de la part des activités des entreprises bénéficiaires dans les énergies fossiles ou dans le sous-secteur désigné.