Agrocarburants Josh Withers
Communiqué de presse30 mars 2023

Malgré des preuves irréfutables, la Belgique continue de violer les droits humains au Pérou et au Brésil en important des agrocarburants

Toute l'essence consommée dans le transport en Belgique contient du bioéthanol, comme l'exige la loi. Une nouvelle étude menée par Oxfam Belgique révèle cependant de graves violations des droits humains au sein de la chaîne d'approvisionnement belge en bioéthanol issu de la canne à sucre brésilienne et péruvienne. Le rapport fait la lumière sur le manque de transparence dans la chaîne d’approvisionnement et démontre comment ces carburants, produits principalement à partir de cultures vivrières, contribuent à la hausse des prix des denrées alimentaires. 

L'UE n’oblige plus les États membres à recourir aux agrocarburants d’origine alimentaire pour atteindre leurs objectifs en matière d'énergie renouvelable. Malgré cela, la Belgique reste non seulement engagée dans cette voie mais importe de plus en plus de bioéthanol fabriqué à partir de canne à sucre pour alimenter les moteurs des voitures. Alors que le gouvernement belge promeut l'utilisation de mélanges d'essence et de bioéthanol comme une solution à faible empreinte carbone, ce rapport prouve que cette source d'énergie n’est pas durable et cause de graves conséquences sociales et environnementales dans le monde entier. 

Malgré cela, le gouvernement belge a voulu augmenter la part des agrocarburants dans les transports d'une moyenne de 5,5 % en 2017 à 13,9 % en 2030. Cet objectif a été approuvé dans le Plan National sur le Climat et l'énergie pour la période 2021-2030, dans lequel les agrocarburants de première génération (dérivés de cultures destinées à l'alimentation humaine et animale, telles que les céréales et les oléagineux) représenteraient jusqu'à 7 %. Malgré un accord gouvernemental conclu en 2022 prévoyant la réduction globale de la part des agrocarburants de première génération, la loi est toujours en cours de révision en 2023 et n'est pas encore entrée en vigueur. 

Violations des droits humains et impacts environnementaux  

Le rapport s'inscrit dans le prolongement d'une étude antérieure qui avait démontré l'impact social entraîné par la production d'éthanol à base de canne à sucre au nord du Pérou. Le rapport, publié par Oxfam Belgique en 2021, mettait en lumière le fait que plusieurs milliers d'hectares avaient été achetés dans cette région à des prix représentant à peine 4 % de la valeur du marché et sans consultation adéquate des habitants. Cela a conduit à l'expropriation « légale » de plus de 40 400 personnes vivant sur des terres communautaires au nord du Pérou. L'industrie de la canne à sucre et de l'éthanol dans la région a également entraîné accaparement de l’eau et pollution de l'air.  

Le nouveau rapport, publié aujourd’hui, montre comment les droits du travail sont violés dans les plantations : recours à la sous-traitance pour éviter les contrats permanents, bas salaires, opposition aux syndicats, etc. Au Brésil, la communauté des Guarani a été gravement touchée par le développement des plantations de canne à sucre sur leurs terres. Les Guarani sont confrontés à des problèmes de santé dus à l'utilisation de produits chimiques dans les plantations, à la déforestation, à la dégradation de l'environnement et à la mort de poissons et de plantes en raison de la pollution de l'eau. Oxfam avait déjà alerté sur l’accaparement de terres guarani pour faire place à des plantations de canne à sucre, dans un rapport publié en 2013.  

Le rapport met également en évidence l’aspect genré de ces violations des droits humains et environnementaux. Par exemple, on constate une augmentation de la violence fondée sur le genre avec l’avènement de l’agro-industrie mais aussi de l’augmentation du travail de soins, en raison de la pollution environnementale.  

Prix des denrées alimentaires et souveraineté alimentaire 

Le rapport montre également que la demande croissante d’agrocarburants affecte le prix du sucre de canne et de ses dérivés. Les importations d'éthanol de canne à sucre en Belgique sont passées de 4 193 739 litres en 2018 à 42 503 323 litres en 2020. L'indice FAO des prix du sucre s'est établi à 117,2 points pour décembre 2022, contre 68,6 points en août 2018. L'augmentation de la demande d'éthanol de canne à sucre entraîne une hausse des prix, réduisant la disponibilité du sucre sur le marché, ce qui affecte le prix des produits alimentaires connexes. Cette situation s'ajoute à l’accaparement de la terre et l'eau pour faire pousser de la canne à sucre.  

Manque de transparence 

La Belgique a importé des agrocarburants de 75 pays différents, dont le Brésil et le Pérou, entre 2018 et 2022. Au Brésil, 8,6 millions d'hectares de canne à sucre sont plantés, soit plus de deux fois la superficie de la Belgique. Les impacts sociaux et environnementaux négatifs des importations de bioéthanol en provenance du Brésil, du Pérou et d'autres pays d'Amérique latine ne sont pas suffisamment signalés ni pris en compte dans les législations européenne et belge.  

L'étude d'Oxfam a examiné plus de 60 entreprises impliquées dans la chaîne de valeur, depuis les producteurs de canne à sucre jusqu'aux partenaires logistiques et aux banques. Cependant, le manque de transparence tout au long de la chaîne d'approvisionnement est abyssal.  

Demandes 

  • Oxfam demande à la Belgique de ne pas miser sur l'utilisation d’agrocarburants issus de cultures alimentaires ou énergétiques et de sous-produits alimentaires pour atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre prévus par la loi européenne sur le climat.   
  • Les agrocarburants avancés utilisés dans les transports ne devraient être éligibles aux objectifs en matière d'énergie renouvelable qu'après la réalisation d'une étude d'impact sur les droits humains solide, indépendante et approfondie. De manière générale, la protection des droits humains devrait être renforcée, en tenant compte systématiquement de la dimension de genre, dans tout développement des sources d'énergie renouvelables.
  • Renforcer l'obligation pour les entreprises de divulguer des informations sur le commerce du bioéthanol de canne à sucre.
  • S'abstenir d'adopter des accords de libre-échange qui augmentent les échanges transcontinentaux de produits agricoles et les modèles de production non durables dans les zones rurales, et qui soutiennent davantage l'exode rural vers des emplois urbains précaires.

 

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Découvrez le rapport d'Oxfam Belgique sur les agrocarburants

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