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Actualité21 novembre 2023

Toujours pas de cessez-le-feu à Gaza : « le monde ne nous observe pas seulement en silence, il est complice »

46 jours de siège total et de bombardements quasiment ininterrompus ont provoqué une crise humanitaire inédite dans la bande de Gaza. Nos partenaires encore actifs sur place apportent le peu d’aide humanitaire qu’ils sont en mesure d’acheminer aux civils, pris au piège dans une bande de terre de 365 km². L'accord conclu entre le gouvernement Israélien et le Hamas prévoyant la libération de 50 otages en échange de prisonniers palestiniens, d’une trêve de quatre jours et de l’acheminement d’aide humanitaire est largement insuffisant. Oxfam appelle à un cessez-le-feu immédiat.

Le siège total imposé par Israël sur la bande de Gaza, qualifié d’illégal au regard du droit international humanitaire par l’ONU, et 46 jours d’intenses bombardements, par air, mer et terre, ont provoqué une crise sans précédent dans l’enclave palestinienne, où près de 2,3 millions de personnes tentent de survivre.

À Gaza, une crise humanitaire exponentielle

À l’heure d’écrire ces lignes, 12 300 Gazaoui.e.s ont été tué.e.s, dont 5000 enfants et 1,6 million de personnes ont été déplacées par la guerre et vivent dans des conditions indignes. Le nombre de victimes est probablement beaucoup plus élevé : le ministère de la santé gazaoui estime qu’environ 3 750 personnes sont ensevelies sous les décombres. Nos 33 collègues rapportent tou.te.s des pénuries d’eau, d’électricité et de nourriture. En raison du manque de carburant, 60 puits dans le sud, les deux principales usines de dessalement de la zone centrale et l'usine de traitement des eaux usées de Rafah ont été fermés. Les 13 hôpitaux encore « fonctionnels » ont tous reçu un avis d’évacuation, certains comme celui d’Al Shifa ont été pris pour cible, un acte dénoncé par la responsable du plaidoyer d’Oxfam en territoire palestinien occupé, Bushra Khalidi, rappelant l’obligation d’Israël, en vertu du droit humanitaire international, de protéger les hôpitaux et les civils.

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D’après le PAM, il reste environ l’équivalent de trois jours de stocks d’huile végétale, 8 jours de sucre et un jour de riz dans toute l’enclave. Notre collègue Najla Shawa, qui supervise notamment les projets liés à la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et la protection sociale à Gaza, nous rapportait la semaine dernière déjà qu’ «aucune boulangerie n’est opérationnelle dans la ville de Gaza en raison des frappes aériennes, des pénuries de carburant et de farine de blé. Les gens sont obligés de parcourir de longues distances pour acheter du pain, et lorsqu’ils parviennent à trouver une boulangerie ouverte, ils doivent faire la file pendant des heures, ce qui les expose aux frappes aériennes ».  

Une situation intenable qui a poussé Sawsan (nom d’emprunt) et sa famille à quitter Jabaliya dans la périphérie de la ville. Le plus grand camp de réfugié.e.s palestinien.ne.s de l’enclave, bombardé plusieurs fois par l’armée israélienne (des tirs que l’ONU a assimilés à de possibles “crimes de guerre”), était devenu trop dangereux. Ses six enfants, son mari et elle ont donc suivi l’ordre d’évacuation du nord de la bande de Gaza émis par les Forces armées israéliennes et se sont installés à Khan Younis, dans le sud.

Elle témoigne : « Nous avons dû attendre deux jours avant que l'on nous fournisse une tente. L'eau ici n'est pas potable. Depuis notre arrivée, les bombardements sont constants ». Quand on lui demande si elle espère pouvoir fuir Gaza, elle répond sans détours : « Nous voulons rester dans la bande de Gaza. Nous sommes nés ici. Nous n'avons aucune envie de nous installer dans le Sinaï. La Palestine est notre terre. Nous voulons y vivre et y mourir ».

L’ordre d’évacuer plus d’un million d’habitant.e.s du nord de la bande de Gaza sans rien, dans des rues détruites, pour se rendre dans une zone où aucune aide n’a été pré-positionnée est insensé. D’ailleurs, une relocalisation forcée sans aucune garantie de sécurité ou de retour et sans répondre aux besoins de la population protégée pourrait constituer un transfert forcé, une grave violation du droit humanitaire international, codifiée comme crime de guerre. Pire, si la proposition rédigée par Israël visant à transférer les 2,3 millions d'habitant.e.s de la bande de Gaza dans la péninsule égyptienne du Sinaï devait se réaliser, elle pourrait être perçue comme une tentative de nettoyage ethnique.

Apporter de l’aide humanitaire, coûte que coûte

Malgré des conditions extrêmement difficiles, nos équipes et surtout, celles de nos cinq partenaires sur place parviennent encore à travailler dans la bande de Gaza. Ensemble, nous avons effectué des transferts d’argent via PalPay (une application de paiement en ligne) à 2000 personnes, distribué 400 kits d’hygiène, 1000 colis alimentaires et de l’eau.

Des bénévoles et des employé.e.s de notre partenaire Fair trade, PARC, ont également pu distribuer des colis alimentaires et de l'eau potable dans quelques écoles dans lesquelles des centaines de Palestinien.ne.s ont trouvé refuge. Cette aide, tout comme les quelques convois d’aide humanitaire autorisés à entrer à Gaza depuis le 28 octobre, ne représente qu’une goutte d'eau dans un océan de besoins.

Appel à un cessez-le-feu

L'accord conclu dans la nuit de mardi à mercredi, visant à obtenir la libération de 50 otages aux mains du Hamas en échange de prisonniers palestiniens et d'une trêve de quatre jours dans la bande de Gaza, pourrait entrer en vigueur ce vendredi 24 novembre. Aucune réponse humanitaire significative ne peut être apportée en si peu de temps. Nous appelons donc à un cessez-le-feu immédiat, à la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues en otage par les groupes armés à Gaza, et à l’ouverture des frontières pour laisser passer l’aide humanitaire. Les mots sont importants. Nous appelons bien à un cessez-le-feu complet. Pas à des pauses ou des corridors humanitaires, qui sont temporaires et ne sont pas expressément définis par le droit humanitaire international, ce qui les rend fragiles, voire régulièrement bafoués.

Ce que vous pouvez faire

  1. Opposez-vous à l’escalade des violences : Nous avons lancé une pétition aux côtés de plus de 700 organisations appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza et en Israël. Joignez votre voix aux près de 1 millions de personnes qui l’ont déjà signée.
  2. Faites un don : Nous nous trouvons actuellement dans la première phase du déploiement de notre aide humanitaire, encore extrêmement limitée en raison de l’intensité des combats. Dès que les armes se tairont, nous ferons face à des besoins immenses. Oxfam Belgique a donc lancé un appel aux dons pour s’y préparer. Votre contribution permettra notamment de financer les phases suivantes qui incluront la reconstruction d’infrastructures hydriques, de l’aide alimentaire, des abris et de l’acheminement d’eau par camions-citernes. Faites un don ici.
  3. Soutenez nos partenaires Fairtrade palestiniens : La guerre a entraîné de graves conséquences en Cisjordanie occupée. Nos partenaires du commerce équitable nous rapportent que les mouvements des Palestinien.ne.s sont restreints. L'armée israélienne empêche par exemple nos partenaires oléiculteurs et oléicultrices d’accéder à leurs champs afin de récolter leurs olives, même dans les zones éloignées des colonies. Cela occasionne des pertes financières considérables pour des milliers de familles palestiniennes. Soutenez-les : achetez leurs produits.
  4. Manifestez, écrivez à vos élu.e.s et interpellez-les : exigez qu’iels fassent pression au sein de l’Union européenne et jusqu’au Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir un cessez-le-feu immédiat.

 

Toutes ces actions peuvent avoir un impact et sont complémentaires. Pour citer Omar AG, notre collègue chargé de plaidoyer à Gaza (nous faisons le choix de protéger son nom de famille car il a été exposé à de nombreuses menaces sur les réseaux sociaux) : « Un pansement humanitaire ne suffira pas. Gaza vit sous un blocus depuis 16 ans et la Cisjordanie est sous occupation militaire depuis 55 ans. Nous avons besoin d'une solution politique, cela ne peut plus se reproduire. Pourtant, aujourd’hui, nous avons le sentiment que le monde ne nous regarde pas seulement en silence, il est complice de notre érosion ».

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