Près d’un quart des exploitations agricoles ont été détruites dans le nord de la bande de Gaza, alors que les craintes d’une famine se font plus pressantes
Les bombardements et le verrouillage quasi-total du nord de la bande Gaza par Israël y ont anéanti les récoltes et empêché le début de la période de semis qui débute habituellement en mars, marquant le commencement de la haute saison agricole à Gaza. Alors que l’inquiétude ne cesse de monter au sujet des risques de famine dans la bande de Gaza, Oxfam alerte sur les dégâts provoqués par l’armée israélienne sur les vergers, les champs et les serres situés dans le nord de l’enclave, où se trouvent une grande partie des terres arables.
Les quatre mois de bombardements israéliens quasiment ininterrompus sur la bande de Gaza, aggravés par un siège terrestre, aérien et maritime total, continuent d’entraver fortement l’entrée de l’aide humanitaire, ont entraîné d’énormes pertes agricoles et provoqué une forte augmentation des taux de malnutrition, exposant dangereusement les 300.000 personnes vivant encore dans le nord de la bande de Gaza d’après les estimations d’Oxfam, à des risques élevés de famine.
« Le risque de génocide ne cesse de croître dans le nord de la bande de Gaza car le gouvernement israélien ignore l'une des principales dispositions de la Cour internationale de justice, à savoir la fourniture des services de base et d'une aide humanitaire dont le besoin est urgent », a déclaré Sally Abi Khalil, directrice d'Oxfam pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Cette déclaration survient alors qu’Israël a soumis lundi à la Cour internationale de justice (CIJ) son premier rapport sur Gaza portant sur les mesures que la Cour lui a enjoint de prendre « pour prévenir un génocide ».
Près d’un quart des exploitations agricoles et 70% des embarcations de pêche détruites
L'organisation partenaire d'Oxfam, la Palestinian Agricultural Development Association (PARC) - l'une des plus grandes organisations palestinienne de développement de l’économie rurale - estime que près d'un quart des exploitations agricoles du nord de la bande de Gaza ont été complètement détruites par les forces israéliennes et 70% des embarcations de pêche endommagées ou détruites.
Le directeur des opérations de PARC à Gaza, Hani Al Ramlawi, a déclaré hier à Oxfam que « les mois de mars et d’avril sont habituellement d’une importance cruciale pour la production agricole et plus généralement pour l’économie rurale de la bande de Gaza. Et même si certaines exploitations ont été jusqu’à présent épargnées, elles sont inaccessibles pour ses exploitants, car tout agriculteur qui tente de se rendre sur ses terres sera directement pris pour cible par les forces israéliennes. De plus sans eau et sans électricité, l’agriculture y est de facto impraticable ».
La bande de Gaza en proie à une forte augmentation des taux de malnutrition
La malnutrition se propage et des cas de mort par famine nous ont été signalés. Nos partenaires sur place nous relaient des témoignages de civils contraints de boire l'eau des toilettes, de manger des plantes sauvages et d’utiliser du fourrage pour faire du pain afin de survivre. Tous témoignent de taux de malnutrition qui ont atteint "des niveaux catastrophiques" et craignent une famine si l'accès à l'aide humanitaire et un retour au calme ne sont pas garantis. Les conditions de vie des Gazaouis sont indescriptibles », d’après M. Al Ramlawi.
Juzoor, un autre partenaire d'Oxfam et l'une des rares organisations encore actives dans le nord de la bande de Gaza, fait état de craintes similaires concernant l'augmentation des niveaux de malnutrition. Juzoor a mis en place un programme de vaccination le mois dernier dans les 13 abris dans lesquels elle opère et a effectué des examens nutritionnels auprès de 1 700 enfants. Le constat de l’organisation est sans appel. Son directeur, le Dr Umaiyeh Khammash, a déclaré hier à Oxfam que 13 % des enfants examinés souffraient de malnutrition aiguë. Parmi eux, 55 à 60 enfants (3 %) souffraient d'émaciation et d'insuffisance pondérale graves.
« Leurs vies sont en danger », explique M. Khammash. « Ils ont besoin d'être pris en charge dans une structure capable de les soigner, dotée d’une unité de nutrition fonctionnelle. Or aucun hôpital de ce type n’est opérationnel à l’heure actuelle à Gaza. Le constat est clair : s'ils ne bénéficient pas d'une prise en charge adéquate immédiate, dans les jours ou les semaines à venir, ces enfants vont mourir ».
On dénombre environ 300 000 civils dans le nord de la bande de Gaza. Ils ont été presque entièrement coupés du monde pendant quatre mois et, selon M. Al Ramlawi, « sont les laissés pour compte d'une réponse humanitaire internationale qui s'était pourtant engagée à ne jamais laisser personne de côté ».
Les Palestiniens de Gaza dépendent de l'agriculture pour leur propre alimentation mais aussi comme moyen de subsistance. Le secteur représente plus de 575 millions de dollars par an, d’après M. Al Ramlawi, et la perte des récoltes « ne fait pas qu'exacerber une situation humanitaire déjà désastreuse, elle conduira à l'effondrement de l'agriculture gazaouie pendant de nombreuses années ».
Spirale inflationniste
La semaine dernière, « nous avons trouvé un négociant capable de fournir des vêtements et des articles d'hivernage à environ 100 000 personnes », a déclaré M. Al Ramlawi. « Les prix des denrées alimentaires ont augmenté en flèche, la plupart des habitants du nord de Gaza ne sont plus en mesure de se payer des produits de base. Le kilo de farine est passé de 5 shekels à 180 shekels, un prix impayable pour l’immense majorité des Gazaouis à l’heure actuelle ».
D’après lui, le coût d'approvisionnement d'un colis alimentaire humanitaire est désormais trois fois plus élevé dans le nord de la bande de Gaza qu'à Rafah, et la qualité est moindre.
« Combien de temps devons-nous attendre pour fournir à ces personnes les services et l'aide dont elles ont besoin ? Devons-nous perdre tous les habitants du nord de Gaza ? Qu'attendons-nous ? Il est temps que le monde se préoccupe enfin de cette question », conclut-il.
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