Niger hunger crisis
Actualité11 octobre 2024

Crise humanitaire au Sahel: le coût de l'inaction

Depuis le début de la saison des pluies, des inondations dévastatrices frappent plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Plus de 3,5 millions de personnes dans la région du Sahel ont été touchées depuis fin août, en particulier au Mali, au Tchad et au Niger, avec près de 900 pertes humaines. Ces pluies intenses sont arrivées au moment critique de la période des récoltes, détruisant la source d’alimentation et de revenus de milliers de personnes.  

 

Cette catastrophe climatique s’inscrit dans un contexte d’insécurité croissante et exacerbe la crise humanitaire dans la région du Sahel. Selon le bureau des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), 6,3 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence au Burkina Faso, soit plus d’un quart de la population. Au Mali, les besoins concernent 7,1 millions de personnes et au Niger 4,3 millions. 

La fin de la période de soudure : moment clé pour la sécurité alimentaire

La saison des pluies est normalement très attendue des habitant.e.s du Sahel car elle marque le début des nouvelles récoltes et la fin de la période de soudure. Cette période survient entre juillet et septembre, lorsque les réserves de la récolte précédente sont épuisées alors que les prochaines cultures ne sont pas encore prêtes à être récoltées. Durant ces mois particulièrement difficiles, 10 à 15% de la population éprouve des difficultés à se nourrir, et dans les zones les plus touchées, des familles entières ne peuvent survivre sans l’aide humanitaire.

L’impact des conflits armés sur les récoltes et les populations

Cela fait déjà une dizaine d’années que des conflits violents entre les forces étatiques et des groupes armés sévissent dans les pays du Sahel mais la situation sécuritaire s’est fortement détériorée depuis 2019. Les populations subissent les attaques et pillages des groupes armés qui détruisent les récoltes, les puits et les écoles ou imposent une taxe ou un tribut. Les hommes et les garçons sont particulièrement susceptibles d’être tués ou recrutés de force dans ces groupes armés, tandis que les femmes et les filles sont confrontées aux violences sexuelles et aux enlèvements.

Ce climat d’insécurité empêche les populations de s’occuper de leurs champs ou de leurs troupeaux, provoque la perte de leurs revenus et les force à fuir leurs villages en quête de sécurité. Selon l’OCHA, il y aurait 2,1 millions de déplacé.e.s internes au Burkina Faso, 355 000 au Mali et 407 000 au Niger. Globalement, ces chiffres représentent 8 fois plus de personnes déplacées internes qu’il y a 5 ans. 

Les personnes forcées de fuir se retrouvent donc sans abri et sans ressource comme témoigne Oumou B., agricultrice originaire du Burkina Faso.

A Yalgo nous avions un champ pour cultiver, mais nous avons pris une fois de plus la fuite pour nous installer à Kaya.

Une fois ici, nous n’avions plus de bétail. Le peu de biens que nous avions a été pillé. Nous sommes arrivés ici démunis. Nous avons demandé des lopins de terre pour semer des haricots et du mil. Mais la pluviométrie n’a pas été bonne. 
Oumou B., agricultrice originaire du Burkina Faso 

Visionnez son témoignage

Les femmes et les filles en première ligne

Les femmes et les filles sont plus touchées par l'insécurité alimentaire et la malnutrition, car la majorité des personnes déplacées sont des femmes et des enfants. Elles sont également plus à risque de déscolarisation, de mariage précoce ou forcé, ou d'exploitation et de violence sexuelle lorsque leur famille souffre de la faim ou manque de moyens.

Les manifestations extrêmes de la crise climatique exacerbent la crise alimentaire

Les inondations entre 2021 et 2023 au Tchad, au Cameroun, au Niger et au Nigéria ont affecté plus de 7 millions de personnes, tué plus de 1200 personnes et provoqué le déplacement de 3,6 millions de personnes. Plus de 52 000 têtes de bétail ont été emportées et 52 000 hectares de terres agricoles ont été détruites.

De plus, la région du Sahel subit une hausse des températures beaucoup plus rapide que dans le reste du monde. En avril, la région a connu une vague de chaleur exceptionnelle avec des températures allant jusqu’à 48 degrés.

Conséquence de ces variations extrêmes du climat ? La combinaison de l’érosion des sols et la désertification amenuisent les récoltes, et la période de soudure intervient de plus en plus tôt. La diminution des produits alimentaires contribue en outre à la hausse des prix sur le marché, dans une région déjà touchée par une forte inflation.

 

L’action d’Oxfam : Améliorer l’alimentation et développer la résilience 

Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, Oxfam travaille avec des ONG, des organisations de la société civile et des structures communautaires pour rétablir l’accès à l’alimentation et réduire les cas de malnutrition. Les actions comprennent les transferts monétaires pour acheter des vivres, le dépistage de la malnutrition infantile et la distribution de farine enrichie.  À travers des formations, les familles apprennent comment diversifier leur alimentation et préparer une bouillie enrichie à base de produits locaux pour prévenir la malnutrition infantile.

Afin d’améliorer les moyens de subsistance des populations face aux crises, les ménages reçoivent des semences agricoles céréalières ou maraichères plus résistantes, des petits ruminants pour reconstituer un troupeau et des formations sur les pratiques agricoles plus adaptées aux variations du climat. Certains reçoivent un capital et un accompagnement pour démarrer une activité génératrice de revenus comme une épicerie ou un atelier de tailleur, qui leur permet de toucher un revenu.

Il faut que le monde entier sache que le changement climatique est une réalité au Niger et ses conséquences rendent les populations encore plus vulnérables à l’insécurité alimentaire

Les champs qui étaient jadis productifs n’arrivent plus à satisfaire les besoins de la population, à laquelle s’ajoute maintenant le nombre important des déplacés internes.

Hassane Harouna, responsable du bureau Oxfam à Ouallam, Niger

Les communautés aux commandes

Les communautés sont aux commandes de ces différentes interventions car elles sont les mieux placées pour identifier les besoins ainsi que les personnes les plus à risque. Par exemple, elles participent au ciblage des ménages plus vulnérables qui vont bénéficier de l’aide alimentaire ou d’un appui à la reconstitution des moyens d’existence, selon les critères qu’elles établissent avec l’aide d’Oxfam et des organisations partenaires.  Cette approche permet de mieux répondre aux besoins et favorise également l’entente entre les personnes déplacées et les communautés hôtes, en encourageant l’entraide et les échanges. 

Le coût de l’inaction 

En 2023, la communauté humanitaire n’a pu desservir que 52% de la population en situation de crise au Sahel. En cause, une baisse des subventions des bailleurs de fond institutionnels et un manque de médiatisation. Mais l’inaction a un coût : la crise s’aggrave et se propage dans les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest, elle nourrit les conflits intercommunautaires en accroissant la pression sur l’accès à la terre, la nourriture et l’eau. Enfin, elle met en danger la communauté humanitaire qui a perdu 280 travailleur.euse.s en 2023. La tendance continue en 2024, qui serait l’année la plus meurtrière jamais enregistrée pour les humanitaires.

Si l’aide humanitaire permet de sauver des vies, elle s’avère insuffisante pour permettre aux populations d’accéder durablement à de meilleures conditions de vie, dans la dignité et la sécurité. Plus d‘investissements dans des projets de coopération (à long terme) sont donc également nécessaires pour prévenir et résoudre les conflits, et favoriser le développement économique et l’emploi durables.

Oxfam plaide aussi pour une politique climatique juste et sociale afin de changer en profondeur les pratiques et lois injustes qui causent des inégalités climatiques.

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