Justice fiscale
Contribuer à la société en fonction de ses moyens pour bénéficier des services publics en retour : voilà le principe de base de la justice fiscale.
Quels sont les principes fondamentaux de la justice fiscale ?
Notre définition de la justice fiscale part d’un constat simple : chacun et chacune doit contribuer à la société en fonction de ses moyens réels, c’est la base, le socle même, d’une société réellement démocratique. En effet, un impôt juste permet de financer des services publics essentiels (hôpitaux, écoles, sécurité sociale) qui bénéficient à toutes et tous et d’investir dans la transition écologique.
A qui profite le système fiscal belge et qui est désavantagé ?
Mais aujourd’hui, ce principe est gravement affaibli. Les grandes fortunes et certaines multinationales font sécession en échappant massivement à l’impôt grâce à l’évasion fiscale, l’optimisation agressive et l’utilisation de paradis fiscaux. Pendant ce temps, et alors que de plus en plus de chancelleries – dont la Belgique - imposent des mesures d’austérité, les travailleur.euses et les petites entreprises paient la note. Et ce, alors que les ultrariches bénéficient des services publics dont le financement repose de plus en plus sur le reste de la population, les fameux 99%.
Imaginez en Belgique :
- Un infirmier qui paie plus d’impôts (43 %), proportionnellement, qu’un multimillionnaire (23%)
- Une petite entreprise locale taxée davantage qu’une multinationale du Bel-20
- Une travailleuse qui contribue honnêtement à l’impôt sans faire appel à des mécanismes d’évitement fiscal, pendant que certains parmi les plus riches déplacent leur fortune dans des paradis fiscaux.
C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. Et c’est ce que nous voulons changer.
La crise des inégalités fiscales
La richesse se concentre à une vitesse vertigineuse. En Belgique, le 1 % le plus riche détient autant que 75 % de la population réunie. Et ce 1 % contribue proportionnellement deux fois moins à l’impôt que le citoyen moyen (Banque nationale, 2024).
Au niveau mondial, c’est encore plus flagrant : depuis la pandémie, la fortune des milliardaires a explosé, alors que des centaines de millions de personnes s’enfoncent dans la pauvreté.
Dans notre rapport La loi du plus riche, nous montrons que les milliardaires ont doublé leur fortune en seulement dix ans, tandis que la moitié la plus pauvre de l’humanité a vu ses revenus stagner.
Ces inégalités ne sont pas une fatalité. Elles résultent d’un choix politique : un système fiscal taillé sur mesure pour les ultra-riches et les multinationales.
Les femmes davantage touchées par les injustices fiscales
Cette injustice fiscale touche l’ensemble de la population, mais elle est aussi profondément genrée. Les réformes fiscales et parafiscales sous-évaluent systématiquement les secteurs majoritairement féminins comme les soins, la santé et l’éducation. Ils sont essentiels à la société mais sous-payés et sous-financés. Le travail de soin non rémunéré, majoritairement assuré par les femmes, reste invisible dans les systèmes fiscaux, les poussant vers des emplois précaires, à temps partiel ou faiblement rémunérés. Ces dynamiques creusent les inégalités de genre et freinent l’émancipation.
Les femmes sont plus nombreuses à connaître des carrières interrompues ou incomplètes, en raison des charges de soin qui reposent encore trop largement sur leurs épaules (mi-temps pour s’occuper des enfants etc.) . Or, pour ces raisons, les réformes récentes du gouvernement Arizona en matière de chômage et de pensions vont les affecter en premier lieu. Il en va de même pour les mesures visant les travailleurs et travailleuses en arrêt maladie, burn-out et incapacité de longue durée, parmi lesquels les femmes sont majoritaires. En somme, celles qui sont déjà discriminées se verront encore plus poussées dans le dos par des décisions politiques qui invisibilisent leur charge de travail.
L’évasion et l’optimisation fiscales : un pillage légal et illégal
Des scandales comme les LuxLeaks, Panama Papers ou les Paradise Papers ont révélés l’ampleur de l’évasion et de l’optimisation fiscale. Chaque année, ce sont des centaines de milliards d’euros qui disparaissent dans les paradis fiscaux, privant les États de ressources pour financer le bien commun.
- Évasion fiscale : pratiques illégales visant à frauder le fisc.
- Optimisation fiscale agressive : stratégies « légales » mais abusives, utilisées par des multinationales pour transférer artificiellement leurs bénéfices vers des pays à fiscalité quasi nulle.
- Niches fiscales : Les niches fiscales ou « dépenses fiscales » pour reprendre le terme du ministère de l'économie et des finances sont tous les avantages fiscaux dont peuvent bénéficier les contribuables et les entreprises sous certaines conditions. Ces niches fiscales profitent principalement aux plus fortunés et aux grandes entreprises, ce qui accroît les inégalités dans la société.
En Europe, l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas sont devenus de véritables plaques tournantes de ce système. Quant à la Belgique, nos entreprises pharmaceutiques bénéficient de niches fiscales qui leur permettent de bénéficier d’un taux d’imposition allant de 1 à 3%, une mesure censée favoriser leur compétitivité. Pourtant, l’impact de cette niche fiscale n’est pas évalué par les pouvoirs publics. Son efficacité fait l’objet de critiques de la part du Bureau fédéral du Plan, de la Commission européenne ou encore de l’OCDE.
Mais surtout : La Belgique est un paradis fiscal pour les détenteurs de capitaux ! En effet, le système fiscal belge instaure une inégalité structurelle entre les personnes qui tirent des revenus de leur travail et les personnes qui tirent des revenus uniquement de leurs investissements. La Belgique est dans le top des pays de l’OCDE où la différence de taxation entre les détenteurs de capitaux et les travailleurs est la plus grande. Un système inégal qui bénéficie aux plus aisés quand on sait que les 10% les plus riches de la population détiennent près de 80% des actions cotées en bourse. Et même si l’Arizona a enfin décidé de mettre en place une taxe de 10% sur certaines plus-values en 2025, cette avancée reste timide, et sa portée réelle dépendra des modalités concrètes de sa mise en œuvre.
Multinationales : des profits record, des impôts dérisoires
En 2022, au cœur de la crise énergétique, les grandes entreprises belges du Bel-20 ont réalisé des bénéfices jamais vus. Certaines ont multiplié leurs profits par deux ou trois en quelques mois. Et pourtant… ces mêmes entreprises bénéficient de niches fiscales qui leur permettent de réduire drastiquement leur contribution. Résultat : les travailleurs, les travailleuses et les petites entreprises paient la facture, pendant que les multinationales se gavent. Comme nous l’écrivions à l’occasion de la sortie de notre rapport Multinationales et inégalités multiples : « Le modèle économique actuel des grandes entreprises belges accentue non seulement les inégalités sociales, mais aussi la crise climatique, en privilégiant les profits à court terme au détriment du bien commun. »
Oxfam demande que la Belgique et l’Europe soutiennent une taxation minimale réellement efficace des multinationales : un impôt plancher de 25 % appliqué là où les bénéfices sont réellement réalisés.
Notre vision d’une société à égalité
À quoi ressemble un État protecteur et redistributif ? C’est un État qui utilise le levier fiscal pour partager équitablement les richesses générées sur son territoire, en veillant à ce que les plus riches et les grandes entreprises paient leur juste part. C’est aussi un État qui garantit en retour d’investir ces ressources dans des services publics de qualité : santé, éducation, soins, logement. Des services essentiels garants du bien-être et des droits fondamentaux de toutes et tous. Une société égalitaire ne se construit pas pour le 1%, mais pour l’ensemble de la population.
Des solutions concrètes et ambitieuses pour une fiscalité plus juste
Pour construire une société plus juste, nous proposons :
- Un impôt progressif sur la fortune : taxer les multimillionnaires, pas la classe moyenne. En Belgique, selon le Bureau fédéral du plan, un impôt de 1 à 3% sur la fortune à partir d'un million d’euros rapporterait 4,7 milliards d’euros. De l’argent pour nos services publics, la santé, l’éducation, le climat etc.
- Une taxation équitable des multinationales : mettre fin aux cadeaux fiscaux et imposer un taux minimum mondial réellement contraignant.
- Une taxe sur les super-profits : pendant que beaucoup peinent à payer leurs factures d’énergie, des entreprises pétrolières et gazières ont accumulé des marges colossales. Ces profits de crise doivent être redistribués.
- La fin de l’impunité fiscale : obliger les entreprises à publier leurs bénéfices et impôts pays par pays comme demandé par l’OCDE (afin d’obliger les grandes entreprises multinationales à déclarer leurs informations fiscales, comme le chiffre d'affaires, les impôts payés et l'activité économique, dans chaque pays où elles opèrent) et sanctionner les paradis fiscaux.
- Une taxation juste des revenus du capital : aujourd’hui, le travail est plus taxé que les dividendes ou les loyers. Cela doit changer.
Pourquoi la justice fiscale est cruciale
La fiscalité, ce n’est pas qu’une question de chiffres. C’est une question de protection, de liberté et d’égalité des chances et de solidarité.
Sans ressources publiques suffisantes :
- les hôpitaux débordent,
- les écoles manquent de moyens,
- la crise climatique nous frappe de plein fouet,
- et les inégalités se creusent encore.
Avec une fiscalité juste, nous avons les moyens de bâtir une société plus égalitaire, plus résiliente, plus humaine.
Ce que fait Oxfam
Chez Oxfam, la justice fiscale est au cœur de notre travail :
- Rapports et analyses : chaque année, nous publions des études comme La loi du plus riche, Multinationales et inégalités multiples, Le modèle insoutenable des grandes entreprises belges.
- Plaidoyer politique : nous interpellons les gouvernements belges et européens afin de les pousser à mettre en place des réformes fiscales ambitieuses.
- Mobilisation citoyenne : nous organisons et nous nous joignons à des conférences, mobilisations, évènements publics, pétitions etc. A l'occasion du Forum de Davos, nous publions notre rapport annuel sur les inégalités et mobilisons des milliers de citoyen.nes autour de la justice fiscale.
- Coalitions : nous travaillons avec d’autres ONG au sein du Réseau pour la Justice Fiscale (RJF) et du Netwerk Rechtvaardige Fiscaliteit (NRF).
Vous voulez en savoir plus sur les inégalités et la justice fiscale ?
Apprenez-en plus dans nos rapports