Genre et systèmes alimentaires
Les femmes du monde entier représentent 43 % de la main d’œuvre agricole.
Inégalités de genre dans l'agriculture wallonne.
En relevant les défis et les inégalités auxquels elles sont confrontées, les femmes peuvent jouer un rôle clé dans la transformation de nos systèmes alimentaires actuels. Les femmes sont touchées de manière disproportionnée par les chocs climatiques, les guerres et les crises économiques. Selon les derniers chiffres du rapport SOFI, les femmes et les enfants ont été plus durement touché.es par les crises alimentaires actuelles, suite à la pandémie du COVID19.
Si l'on considère les chiffres suivants :
- Seulement 8 % de l'aide extérieure va à des projets principalement axés sur l'égalité des genres.
- Seulement 1,7 % de l'ensemble du financement climatique atteint les petit.e.s exploitant.e.s des pays à faible revenu.
- Seulement 15 % des propriétaires terrien.ne.s dans le monde sont des femmes : au cours des deux dernières décennies, de plus en plus de femmes ont géré et se sont engagées dans des exploitations familiales, mais cela ne s'est pas traduit par une augmentation de la propriété foncière pour celles-ci. La propriété foncière a augmenté de moins de 3 %, passant de 10 % en 1995 à 12,8 % en 2015.
- Sur les 164 pays qui reconnaissent aux femmes le droit de posséder, d'utiliser et de prendre des décisions concernant la terre, seuls 52 pays protègent, respectent et réalisent ce droit.
Nous arrivons à une conclusion importante :
Partout dans le monde, les structures juridiques et sociales marginalisent et empêchent les femmes pratiquant l’agriculture de recevoir le label d'agricultrice, rendant pratiquement impossible de bénéficier de l'accès institutionnalisé des agriculteurs aux régimes, subventions, crédits et bien d'autres services (accès par ailleurs déjà limités pour les petits exploitants masculins dans le Sud). Souvent, les structures existantes ne reconnaissent pas l'immense travail non rémunéré et les soins prodigués par les femmes.
Les femmes, figures de proue des systèmes alimentaires alternatifs
Cependant, malgré ces inégalités structurelles dans les systèmes alimentaires mondialisés, les femmes rurales et travailleuses agricoles constituent aussi les premiers moteurs de changement. Des études montrent que les femmes rurales sont actives et dominantes dans les systèmes alimentaires alternatifs. Investir dans les femmes, c’est assurer la fourniture d’une alimentation saine et durable à de nombreuses communautés dans le monde. Au-delà du stéréotype de personnes "vulnérables" ou des "parties prenantes" à consulter, les femmes pratiquant l’agriculture paysanne, comme les autres travailleurs agricoles, sont des actrices actives, dotées de connaissances et de droits, dans l'établissement de systèmes alimentaires équitables et durables.
Des politiques agricoles hypocrites
Partout dans le monde, les politiques agricoles sont régies par des intérêts économiques ne tenant pas compte des cycles du vivant et des aspects sociaux.
Au sein des politiques belges, on observe des incohérences dans les discours. D’une part, dans les politiques de coopération internationale, l’empowerment des agricultrices du Sud est fortement valorisé puisqu’étant perçu comme le facteur à succès pour augmenter la productivité agricole. D’autre part, en Belgique, les politiques agricoles internes au pays ne prennent (quasi) aucunes mesures sensibles au genre. Elles se contentent d’investir dans des activités de diversification au sein des fermes, de diffuser des portraits d’entrepreneuses inspirantes, voire invisibilisent carrément les agricultrices. L’avancement des droits des femmes rurales belges ne semble donc pas être une priorité (car cela ne sert pas l’agenda néolibéral de croissance économique ?), mais on tient un discours de gender mainstreaming vis-à-vis des femmes rurales des pays du Sud afin de transférer la main d’œuvre de l’agriculture de subsistance vers des systèmes industriels. Dans les deux cas, peu de mesures sont prises pour s’attaquer aux causes des inégalités et on assiste à un discours hypocrite fondé non pas sur une volonté de promouvoir les droits des femmes mais sur une logique productiviste.
Répartition genrée et valeur symbolique du travail
Dans de nombreuses exploitations agricoles en Belgique et en Europe, la répartition genrée des rôles reste le mode d’organisation privilégié. A ce titre, les agricultrices prennent notamment en charge la traite, le travail administratif et le soin aux veaux. En outre, les femmes agricultrices prestent pour beaucoup des double (voire triple) journées pour s’occuper du travail du soin et des enfants. Les hommes, eux, sont généralement responsables des travaux à haute valeur symbolique comme les travaux au champ ou la gestion du troupeau, qui s’accompagnent d’une large reconnaissance sociale.
En Belgique, l’agriculture continue à se conjuguer au masculin dans notre imaginaire collectif. Pourtant, les femmes y représentent 30 % de la main-d’oeuvre agricole.
Oxfam applique un marqueur de genre à ses analyses
Pour tenter d’éliminer ces inégalités, Oxfam Belgique analyse les politiques agricoles européennes et politiques de collaboration internationale pour mettre en lumière la manière dont les aides sont réparties selon les genres. Oxfam s’appuie également sur l’expérience d’agricultrices innovantes et se base sur leurs réalités pour s’assurer de la cohérence de son analyse. Enfin, Oxfam prend en compte les autres formes d’oppressions à l’œuvre et adopte une approche intersectionnelle pour répondre aux besoins spécifiques de chacune.