Les manifestations paysannes mettent en lumière comment les producteurs Ouest-Africains sont affectés par la PAC et les Accords de libre-échange
Alors que l'Union Européenne est le théâtre de manifestations paysannes résultant de la pression des bas prix mondiaux et des réglementations environnementales peu sociales, une coalition d’ONG européennes, dont Oxfam Belgique et Humundi, appellent à une réforme profonde de la PAC et à une révision équitable des accords de libre-échange.
Dans leur nouveau rapport « Quelles politiques commerciales et fiscales au service du développement durables des chaines de valeurs lait local en Afrique de L’ouest ? “ ils se tournent vers les enjeux qui lient les agriculteurs européens à ceux du reste du monde. Tous ces agriculteurs, travailleurs agricoles, peuples autochtones, éleveurs et agro-pastoralistes, subissent d’une façon ou d’une autre les effets de la Politique Agricole Commune (PAC) et des accords de libre-échange. La coalition met en avant ces convergences de luttes comme une opportunité de réfléchir aux impacts globaux de ces politiques, particulièrement en Afrique de l'Ouest.
Les ONG’s constatent les défauts structurels du système économique et agricole tel qu’il est organisé aujourd’hui. Dans le secteur laitier, tant les producteurs européens que ceux d'Afrique de l'Ouest se trouvent souvent dans une position défavorable face aux dynamiques du marché mondial. En Europe, malgré une production laitière de haute qualité, les agriculteurs sont contraints de vendre leur lait à des prix extrêmement bas, souvent en deçà des coûts de production, en raison de la surproduction et de la pression pour rester compétitifs sur le marché international.
A travers les aides de la PAC et l’absence de mécanisme de régulation des marchés depuis la disparition des quotas laitiers en 2015, un processus de dumping de produits laitiers européens est à l’oeuvre sur les marchés d'Afrique de l'Ouest, où ces importations sont vendues à des prix 30 à 50% inférieurs à ceux du lait local. En 2021, 34,9% du lait consommé dans la région provenait ainsi de mélanges de poudre de lait écrémé réengraissée à l’huile de palme - plus que le lait de vache local ou tout autres produits laitiers. Plus de deux tiers de ces importations sont d'origine européenne.
Cette pratique de dumping non seulement sape la capacité des producteurs locaux à être compétitifs sur leur propre marché mais menace également la viabilité de l'agriculture locale, essentielle à l'économie et à la sécurité alimentaire de la région.
“Ainsi, le dumping laitier européen crée une situation perdant-perdant pour les agriculteurs des deux continents,” dixit Benoît De Waegeneer, secrétaire général d’Humundi.
Le rapport démontre que les politiques et accords commerciaux déstabilisent les marchés entre autres au Sénégal, Nigeria et au Burkina Faso et ont un impact sur l’économie, sur la sécurité alimentaire et vont à l’encontre des objectifs de développement durable. Le rapport démontre aussi que les agriculteurs Ouest-Africains et Européens, ont en réalité de nombreuses revendications en commun. Parmi celles-ci, la volonté de créer un environnement favorable au développement des filières laitières locales en Afrique de l’Ouest. Protéger des filières locales en Afrique de l’Ouest et soutenir les agriculteurs européens sont les deux faces de la même pièce.
Dans un effort de solidarité et sur base de leur nouvelle étude, les ONG’s (Oxfam Belgique, Humundi, le CFSI, European Milk Board appellent à une réforme profonde de la PAC et à une révision équitable des accords de libre-échange. “À travers l'étude, nous visons à garantir que les politiques ne favorisent pas uniquement les intérêts des grandes entreprises agroalimentaires et des exportateurs, mais qu'elles tiennent également compte des besoins et droits des petits agriculteurs et éleveurs, tant en Europe qu'en Afrique de l'Ouest,” conclut Fairouz Gazdallah, chargé de plaidoyer sur la gouvernance des système alimentaires, chez Oxfam Belgique.