Communiqué de presse12 janvier 2024

Les cinq hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune depuis 2020 tandis que cinq milliards de personnes se sont appauvries

  • La fortune des cinq hommes les plus riches du monde a bondi de 114 % depuis 2020. 
  • D’après les prévisions d’Oxfam, nous pourrions voir pour la première fois la fortune d’un multimilliardaire franchir le cap des 1 000 milliards de dollars dans seulement dix ans, alors qu’il faudra plus de deux siècles pour mettre fin à la pauvreté.  
  • Un milliardaire est à la tête ou est actionnaire principal de sept des dix plus grandes entreprises mondiales. 
  • Au total, 148 des plus grandes entreprises du monde ont réalisé 1 800 milliards de dollars de bénéfices, ce qui représente une hausse de 52 % par rapport aux bénéfices moyens des trois dernières années. Elles ont redistribué des dividendes records à leurs riches actionnaires, alors que des centaines de millions de personnes sont confrontées à une baisse de leur salaire réel. 
  • Les 1% des Belges les plus riches concentrent presque un tiers (30,4%) des actifs financiers tandis que les 10% des Belges les plus riches détiennent 79% des actions cotées.
  • Oxfam recommande au gouvernement qui sera formé après les élections de juin 2024 d’imposer aux entreprises de conditionner le versement de dividendes aux actionnaires à la garantie d’un revenu décent pour l’ensemble des travailleurs et des travailleuses sur toutes leurs chaînes de valeur et au dégagement de moyens ambitieux pour limiter leurs émissions carbones, en ligne avec les objectifs fixés par l’Accord de Paris. Ces mesures doivent s’accompagner d’une fiscalité qui met à contribution l’extrême richesse, en taxant notamment les plus-values, les dividendes et les surprofits et en luttant efficacement contre l’évasion et la fraude fiscale. 

Les 5 hommes les plus riches du monde doublent leur fortune en à peine 3 ans

Le nouveau rapport d’Oxfam sur les inégalités et le pouvoir mondial des entreprises révèle que la fortune des cinq hommes les plus riches du monde a plus que doublé depuis 2020, passant de 405 milliards de dollars à 869 milliards de dollars (à un rythme de 14 millions de dollars par heure), tandis que cinq milliards de personnes se sont appauvries. La fortune d'un multimilliardaire pourrait dépasser les 1 000 milliards de dollars dans environ dix ans si la tendance actuelle se maintient, tandis que la pauvreté ne sera éradiquée que dans 229 ans.

À l’heure où l’élite économique se réunit à Davos, le rapport « Multinationales et inégalités multiples » publié aujourd’hui, révèle que sept des dix plus grandes entreprises mondiales ont un PDG milliardaire ou un milliardaire comme actionnaire principal. La valeur totale de ces entreprises s’élève à 10 200 milliards de dollars. Elle est supérieure aux PIB combinés de tous les pays d’Afrique et d’Amérique latine.

« Le pouvoir démesuré des grandes entreprises et des monopoles est une machine à fabriquer des inégalités : en pressurant les travailleurs et travailleuses, en s’adonnant à l’évasion fiscale, en privatisant l’État et en accélérant les dérèglements climatiques, ces entreprises génèrent des richesses inépuisables pour leurs propriétaires ultrariches au détriment de la collectivité. Mais elles leur donnent aussi un pouvoir économique démesuré qui mine nos démocraties et nos droits. Aucune entreprise ni individu ne devrait avoir autant de pouvoir sur nos économies et nos vies. À vrai dire, personne ne devrait avoir un milliard de dollars », dénonce Julien Desiderio, chargé de plaidoyer en justice fiscale chez Oxfam Belgique.

Les super-riches creusent le fossé des inégalités

La montée en flèche des richesses extrêmes s’est consolidée ces trois dernières années tandis que le niveau de pauvreté dans le monde est toujours le même qu’avant la pandémie. La fortune des milliardaires a augmenté de 3 300 milliards de dollars depuis 2020, à une vitesse trois fois plus rapide que celle de l’inflation.  

  • Alors qu’ils ne représentent que 21 % de la population mondiale, les pays riches du Nord global détiennent 69 % des richesses mondiales et abritent 74 % des richesses des milliardaires du monde. 
  • L’actionnariat est particulièrement avantageux pour les plus riches. Les 1 % les plus riches détiennent 43 % de tous les actifs financiers mondiaux. En Europe les 1 % les plus riches détiennent 47% du patrimoine financier. En Belgique les 1% des Belges les plus riches détiennent un peu moins d’un tiers (30,4%) des actifs financiers.

Les grands actionnaires, les plus grands bénéficiaires de la distribution des bénéfices

Tout comme les ultra-riches, les grandes entreprises devraient réaliser en 2023 des bénéfices annuels qui pulvériseront tous les records. 148 des plus grandes entreprises mondiales ont engrangé conjointement 1 800 milliards de dollars de bénéfices nets au cours des 12 mois précédant juin 2023, ce qui représente une hausse de 52 % par rapport aux bénéfices nets moyens réalisés pendant la période 2018-2021. Leurs superprofits ont bondi à près de 700 milliards de dollars. D’après le rapport d’Oxfam, pour chaque tranche de 100 dollars de bénéfices générés par 96 grandes entreprises entre juillet 2022 et juin 2023, 82 dollars ont été reversés aux actionnaires. Aussi en Belgique les grandes entreprises et leurs actionnaires reçoivent d’ailleurs des cadeaux toute l’année : 

  • Le système fiscal belge permet aux grands actionnaires de payer 0% d’impôts sur leurs dividendes et sur les plus-values qu’ils réalisent en vendant leurs actions, alors même que les travailleurs et les travailleuses belges sont parmi les plus taxés d’Europe.
  • Les marges des entreprises n’ont jamais été aussi élevées, pourtant la loi de 96 impose que les travailleurs et les travailleuses ne pourront bénéficier d’aucune augmentation de salaire pour les deux prochaines années.
  • Les grandes multinationales sont les championnes des inégalités, il faudrait plus de 170 ans pour qu’un Belge au salaire médian gagne la rémunération annuelle du PDG d’AB INBEV, le mieux payé du BEL-20.

L’impôt effectif sur les sociétés globalement en baisse

En outre, le rapport d’Oxfam révèle que la guerre contre la fiscalité menée par les entreprises a permis de réduire l’impôt effectif sur les sociétés de près d’un tiers au cours des dernières décennies. Pendant ce temps, les entreprises n’ont eu de cesse de privatiser les services publics.

« Chaque entreprise a la responsabilité d’agir, mais très peu le font. Les États doivent intervenir. Les législateurs peuvent s’inspirer de bon nombre d’initiatives, comme la plainte déposée contre Amazon par les autorités américaines chargées de la lutte contre les monopoles, la décision de la Commission européenne de contraindre Google à se dessaisir d’une partie de ses activités publicitaires en ligne, ou encore la lutte historique menée par les gouvernements africains pour redéfinir les règles de la fiscalité internationale », estime Julien Desiderio.

Recommandations au futur gouvernement

Oxfam Belgique appelle le futur gouvernement à réduire rapidement et radicalement le fossé entre les ultra-riches et le reste de la société grâce aux mesures suivantes :

  • Revitaliser l’État. Un État dynamique et efficace est le meilleur rempart contre le pouvoir extrême des entreprises. Les États doivent garantir des services universels de santé et d’éducation, et travailler à la mise en place d’un service public fort dans des secteurs allant de l’énergie au transport. 
  • Contenir le pouvoir des multinationales, notamment en démantelant les monopoles et en démocratisant les règles en matière de brevets. Cela passe aussi par la mise en place d’une législation qui garantit des salaires décents, le plafonnement des salaires des PDG, et l'instauration de nouvelles taxes ciblant les ultra-riches et les multinationales, notamment des impôts permanents sur la fortune et les bénéfices excédentaires. Oxfam estime qu’un impôt sur la fortune des millionnaires et milliardaires en Belgique pourrait rapporter jusqu’à 20 milliards d’euros par an.  
  • Réinventer le monde des affaires en démocratisant l’entreprise. Les entreprises compétitives et rentables ne doivent pas être entravées par une course aux profits alimentée par les actionnaires. Les bénéfices sont partagés de manière plus égalitaire au sein des entreprises qui ont un modèle de gouvernance démocratique. L'Organisation mondiale de commerce équitable (WFTO) est un exemple de réseau d'entreprises sociales et de coopératives qui accordent la priorité aux personnes et à l'environnement : 52 % des PDG des organisations membres sont des femmes, et 85 % des membres investissent leurs bénéfices dans des causes sociales ou environnementales, tout en étant quatre fois moins susceptibles de faire faillite que les entreprises traditionnelles.

Notes aux rédactions 

  • Le rapport d’Oxfam intitulé « Multinationales et inégalités multiples » est disponible ici
  • Julien Desiderio, chargé de plaidoyer en justice fiscale chez Oxfam Belgique, est disponible pour plus d’informations. 
  • Amitabh Behar, directeur général par intérim d’Oxfam International est présent à Davos et disponible pour plus d’informations en anglais. 
  • Oxfam définit les superprofits comme ceux qui dépassent de plus de 20 % les bénéfices moyens générés entre 2018 et 2021.  

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