Coupes importantes dans la coopération au développement : l’Arizona tire un trait sur la lutte contre les inégalités
Le projet de budget de l’Arizona envisage un net recul des dépenses fédérales allouées à la coopération au développement. Oxfam voit dans cette coupe inédite un renoncement de la Belgique aux objectifs de développement durable et appelle les partis à la table des négociations à faire marche arrière.
La coopération au développement risque de se voir amputée de 25% son budget, d’après les propositions sur la table de l’Arizona en vue de réaliser 20 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de l’État, c’est en tout cas ce qui figure dans la super-note socio-économique de Bart de Wever qui a fuité aujourd’hui.
Si elle devait être actée dans l’accord de gouvernement, cette chute du budget consacré à la solidarité internationale serait dramatique, au moment où les crises liées aux conflits ou aux catastrophes climatiques se multiplient à travers le monde : dans la bande de Gaza, en Syrie, au Soudan ou encore au Sahel.
« Avec une telle trajectoire budgétaire, on s’éloignerait encore davantage des objectifs du développement durable censés libérer l'humanité de la pauvreté et de la faim et remettre la planète sur la voie de la durabilité. », affirme Eva Smets, directrice d’Oxfam Belgique.
Et de rappeler : « N’oublions pas que la coopération internationale a permis d’augmenter le taux moyen d’alphabétisation et de numération dans le monde et efficacement lutté contre la malnutrition. Mais nous sommes loin d’avoir atteint nos objectifs. Entre 691 et 783 millions de personnes souffraient de la faim en 2022 et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en prévoit encore 600 millions en 2030, l’année à laquelle le monde est supposé atteindre son objectif faim zéro. Le moment n’est donc pas venu de revoir nos ambitions à la baisse. Nous appelons les partis à la table des négociations à revoir leur copie. »
Un mauvais calcul
Avec de telles coupes, la Belgique tournerait le dos aux 14 pays qui nécessite le plus des fonds de la coopération belge et que notre pays considère comme des partenaires prioritaires : la RD Congo, les pays du Sahel ou encore le Territoire palestinien occupé, des pays marqués par la guerre et les inégalités, deux phénomènes intrinsèquement liés.
Le rapport d’Oxfam « Food Wars », qui passe au crible 54 pays touchés par des conflits, conclut d’ailleurs que la quasi-totalité des 281,6 millions de personnes qui aujourd’hui souffrent gravement de la faim vivent dans ces 54 pays en guerre. Dans ces États, les conflits sont aussi l’une des causes principales des déplacements forcés de population qui ont également atteint un nouveau record au niveau mondial avec plus de 117 millions de personnes déplacées l’an dernier.
Réduire l’aide apportée par la coopération dans ces pays serait non seulement irresponsable à leur égard mais en plus en totale contradiction avec l’un des objectifs de la coopération belge : aider les populations à vivre dignement dans leur propre pays, sans être poussés à prendre le chemin de l’exil.
0,44% du RNB belge consacré à la coopération, déjà loin du compte
Les 2,52 milliards d’euros consacrés à l’aide publique au développement par la Belgique en 2022 représentent 0,44% des richesses du pays, un montant déjà bien loin de l’objectif international situé à 0,7%. La Belgique s’était engagée à atteindre cet objectif en 1975 dans le cadre de la résolution 2626 des Nations unies et a réitéré à deux reprises cet engagement dans des lois en 2002 et en 2013. Baisser ce budget maintenant, signifierait s’éloigner encore davantage de notre objectif alors que l’Aide publique au développement (APD) de la Belgique est déjà inférieure à celle de tous ses pays voisins, sans exception.
« On a un peu l’impression que l’APD sert de variable d’ajustement budgétaire en fonction de l’état de nos comptes publics, sans véritable réflexion sur ses missions et son impact », regrette Eva Smets. « Ces économies faites sur l’APD sont présentées par le futur gouvernement comme une fatalité face à des difficultés économiques. Pourtant, c’est un choix politique. Des solutions existent au niveau global car nous ne sommes pas le seul gouvernement à envisager des coupes : une taxe de 5% sur la fortune des milliardaires et multimillionnaires de l’ensemble des pays les plus riches de la planète permettrait de financer le triple des objectifs d’APD de ces mêmes pays. »
Des conséquences dramatiques pour les populations vulnérables soutenues par Oxfam
Ces coupes entraîneront des conséquences concrètes dans de nombreux pays où l’APD vient en aide à des populations en situation de vulnérabilité. Oxfam accompagne 260 000 personnes dans le développement de chaines de valeurs locales en République démocratique du Congo, au Burkina Faso, au Niger, en territoire palestinien occupé, au Cambodge, au Vietnam, au Laos ou encore au Mali, où 7,1 millions de personnes (un Malien sur trois) ont besoin d’aide humanitaire ou de protection.
Concrètement, dans ce pays, Oxfam travaille avec 300 femmes rurales de N’togonasso impliquées dans la transformation du soja au sein de leur coopérative, la SCOOPSK. Parmi la gamme de produits que ces femmes ont développée, on compte une farine nutritionnelle, distribuée dans le cadre d’une réponse humanitaire menée à Gao. Ce projet, générateur de revenus, permet à ces femmes de se tenir à l’écart de la pauvreté dans un pays classé 184e sur 189 nations en termes d’Indice de Développement Humain.
Ce projet serait impossible sans la solidarité du peuple belge, soutenu dans cette entreprise par l'agence de coopération au développement de l'État, la DGD. Si l’aide publique au développement devait effectivement devenir l’une des principales victimes collatérales des coupes budgétaires censées limiter le dérapage des déficits belges, l’ambition de tels projets serait inévitablement revue à la baisse, voire réduite à zéro.
Notes aux rédactions
- Les chiffres concernant l’insécurité mondiale dans le monde sont tirés du rapport des nations unies « L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde », 2023.
- Le rapport d’Oxfam « Food wars » est disponible au téléchargement ici.
- Le classement des pays en fonction de la part de RNB consacré à l’APD, est consultable sur le site de l’OCDE.
- Au sujet du budget consacré par la Belgique à l’APD, veuillez consulter ce lien.