Handen gieten cacaobonen in jute zak
Communiqué de presse7 décembre 2022

Baromètre du cacao 2022 : Le prix du cacao payé par les industriels est trop bas pour assurer un revenu décent aux cacaoculteurs

Malgré l'augmentation des initiatives de durabilité dans le secteur du cacao, des problèmes structurels tels que le travail des enfants et la déforestation persistent. La meilleure façon d'aider les agriculteurs à obtenir un revenu décent est de payer des prix plus élevés. Par conséquent, pour atteindre leurs objectifs de durabilité, les entreprises doivent d'abord modifier leurs pratiques d'achat.

Le Baromètre du cacao, publié tous les deux ans par une large coalition d'organisations de la société civile (dont Oxfam), évalue les performances en matière de durabilité du secteur du cacao.

L’édition 2022 montre que la hausse du prix d’achat aux planteurs a un impact beaucoup plus important sur les revenus des producteurs que l'augmentation de la productivité. Pourtant, c'est toujours cette dernière stratégie qui se cache derrière la plupart des labels de durabilité du secteur.

Autre élément qui ressort du Baromètre 2022 : le secteur du cacao reste miné par la pauvreté. Une pauvreté persistante qui entraîne des violations des droits humains tels que la malnutrition et le manque d'accès à l'éducation et aux soins de santé. De plus, la pauvreté demeure le principal facteur à l'origine du travail des enfants, toujours répandu dans le secteur du cacao et la déforestation de grands pans de la forêt tropicale ouest-africaine est toujours endémique.

On est face à un paradoxe : les multinationales dépensent des millions pour leurs projets de durabilité et font des milliards de bénéfice sur le dos des producteurs à qui elles paient le prix le plus bas qu'elles peuvent obtenir

Bart Van Besien, chargé de plaidoyer chez Oxfam Belgique

Les chiffres du baromètre du cacao ont pour objectif de faire sortir le secteur de sa phase de déni. L'approche adoptée jusqu'à présent accroît la pauvreté des agriculteurs et ne permettra pas d’augmenter les revenus des producteurs : des rendements plus élevés ne conduisent pas nécessairement à un revenu net plus important. Payer un prix d’achat plus élevé reste le seul moyen de permettre aux agriculteurs d’obtenir un revenu décent. Les stratégies actuelles de durabilité font encore peser la charge sur les épaules des plus faibles. L'appel lancé par la société civile depuis des décennies en faveur d'une hausse des prix est ignoré par les grandes marques. Elles se concentrent plutôt sur l’augmentation des rendements et la diversification de la production.

Engagement en faveur d'un revenu viable

Cependant, dès 2018, l'ensemble du secteur du chocolat belge s'est engagé à combler le fossé qui sépare les producteurs de cacao d’un salaire de subsistance en signant la charte Beyond Chocolate. Toutefois, hormis un certain nombre de projets pilotes, les changements structurels restent à venir. Dans le même temps, le secteur international du chocolat – dont l’activité s’est contractée brièvement pendant la pandémie - a renoué avec la croissance. Leur marge repose en grande partie sur le faible prix auquel le cacao est acheté aux producteurs et le prix de vente élevé auquel il est vendu aux consommateurs.

Le prix comme enjeu de la lutte pour le pouvoir

Le refus de l'industrie chocolatière de payer des prix plus élevés aux producteurs se cristallise dans les tensions entre les gouvernements du Ghana et de la Côte d'Ivoire d'une part et les multinationales du chocolat d'autre part. Au centre des tensions se trouve le « Différentiel de Revenu Vital (DRV) », une prime exigée par les pays d'Afrique de l'Ouest pour stabiliser les prix du cacao et ainsi augmenter les revenus des producteurs. Si l'industrie chocolatière a fini par payer le DRV, elle a aussi imposé une forte réduction de la prime « Différentiel d’origine » versée au Ghana et à la Côte d'Ivoire, qui représentent 60% de la production mondiale. Par conséquent, les prix payés aux producteurs de cacao n’ont pas augmenté en réalité. 

Cela a conduit à des enjeux élevés ces derniers mois. Le Ghana et la Côte d'Ivoire refusent toujours de vendre du cacao à un "différentiel d’origine" négatif. Par conséquent, le cacao de ces pays n'est que très peu vendu, ce qui entraîne d’énormes manques à gagner pour les producteurs de cacao. Le cacao y représente 20% du PIB et constitue la principale source de revenus pour environ 2 millions de familles. Le fait de ne pas pouvoir vendre ce cacao entraîne une augmentation de la malnutrition et de la mortalité infantile.

Un modèle économique différent est possible

Oxfam a décidé en 2018 de renforcer son engagement en faveur d’un salaire minimum décent pour les producteurs de cacao. En plus du prix minimum et de la prime du commerce équitable, Oxfam paie 1 068 $/tonne supplémentaire directement aux agriculteurs pour ses barres de chocolat « Bite to Fight ».

« Cela a un impact considérable sur le revenu de ces agriculteurs, et dans le même temps, le coût supplémentaire (de +/- 5 centimes d'euro par barre de chocolat) est minime pour le consommateur », observe Bart Van Besien.

« Les planteurs sont les grands oubliés de la filière du cacao. Un secteur du cacao durable n'est possible que si les entreprises commencent à partager les risques et les bénéfices avec les producteurs de cacao de manière honnête et équitable », explique Julien N'guessan Tayoro, coordinateur du projet « Oxfam Bite to Fight » en Côte d'Ivoire.

Notes aux rédactions

  • Le Baromètre du cacao 2022, disponible sous embargo, sera présenté lors d'une conférence de presse virtuelle, mercredi 7 décembre à 15h. Bart Van Besien, chargé de plaidoyer chez Oxfam Belgique, est disponible pour toute question. 
  • Le Baromètre du cacao 2022 paraît dans un contexte de tensions croissantes entre la Côte d'Ivoire et le Ghana (les deux plus grands pays producteurs de cacao) d'une part, et les multinationales du chocolat d'autre part. Le refus de ces dernières de payer des prix plus élevés aux producteurs a entraîné l'arrêt des ventes de cacao, un scénario catastrophe pour les producteurs de cacao. Plus d’informations disponibles dans cet article paru dans POLITICO
  • La plupart des entreprises ont rendu leurs bénéfices publics. La Covid-19 a finalement eu un impact limité sur ceux-ci. Olam et Cargill ont toutes deux annoncé des bénéfices records en 2021. Mondelez, Hershey's et Barry Callebaut ont quant à elles mis en avant d’excellents chiffres dans leurs rapports aux actionnaires en 2022. Mondelez a déclaré que cela était principalement dû aux prix plus élevés payés par les consommateurs pour leurs produits. 

Droite