La Colombie, un pays dangereux pour les défenseurs de l’environnement
Les assassinats de défenseurs de l’environnement ne cessent d’augmenter en Colombie. Rien qu’en 2019, 64 personnes ont été assassinées dans ce pays d’Amérique latine. Une victime sur 3 était une femme. Oxfam et des organisations colombiennes les soutiennent et dénoncent ensemble l’impunité dont bénéficient leurs auteurs.
Un assassinat tous les 5 jours
D’année en année, le décompte s’alourdit. Il a même doublé entre 2018 et 2019 pour atteindre 64 victimes recensées, une hausse qui semble s'être poursuivie en 2020 malgré la pandémie. Les défenseur.euse.s de la nature subissent des violences allant de l’intimidation au meurtre et 90% des cas demeurent dans l’impunité, selon Oxfam.
L’ombre de l’exploitation minière
Cette augmentation de la violence coïncide avec la multiplication des mines d’émeraude, de nickel et de charbon à grande échelle. Cela fait 10 ans que le gouvernement fait tout pour attirer les investisseurs étrangers et leur faciliter l’exploitation de ressources naturelles dans des territoires où des populations vivent depuis des millénaires, les forçant à partir ou à défendre leurs moyens de subsistance. Des activistes s’opposent à ce boom minier. Parfois au péril de leur vie.
Déterminées malgré les menaces
C’est le cas de Magali, une activiste de la région amazonienne de Caquetà, riche en or et en pétrole. Il y a quelques mois, alors qu’elle s’apprêtait à traverser la rue, un motard lui a bloqué le passage. « Il s’est approché et m’a dit : vous ne devriez pas porter votre sac à l’avant. Des personnes pourraient vous le voler, voire vous tuer ». La menace était à peine voilée.
Quelques semaines auparavant, Magali et d’autres femmes de la Plateforme des femmes de Caquetà, qui rassemble 103 organisations de défense de l’environnement, toutes soutenues par Oxfam, tenaient une audience publique. Elles y revendiquaient leur droit à cultiver les terres sur lesquelles elles sont nées. Un droit vital dans les zones rurales colombiennes, où à peine une femme sur quatre possède sa terre, et risque l’expulsion à tout moment.
« Ils nous menacent parce qu’on s’oppose à leur business qui détruit nos forêts. Nous ne savons pas si ce sont des paramilitaires, des guérilleros ou des hommes de mains envoyés par des politiques ». Ce qui est certain, c’est qu’à chaque fois que Magali sort de chez elle, elle risque de se faire harceler.
Chassées par le charbon
Même son de cloche à proximité de la mine de charbon de Cerrejón à l’autre bout du pays. C’est la plus grande exploitation à ciel ouvert d’Amérique latine. L’organisation des femmes Wayuu, fondée en 2006 pour protéger les droits à la terre de ce peuple et soutenue par Oxfam, l’accuse d’avoir déplacé des villages et de détourner le cours des rivières pour s’étendre.
Janet (photo) et Norka, deux activistes Wayuu racontent : « La mine de charbon a détourné le cours de la rivière Aguas Blancas et y a déversé des déchets toxiques. Aujourd’hui, elle est totalement asséchée et les personnes qui en dépendaient pour leur subsistance ont fini par partir ». Elles ont dénoncé les pratiques de la mine mais ont fini par fuir elles aussi, à cause des menaces de mort.
Mettre fin à l’impunité
Les activistes qui restent n’ont d’autre choix que d’être accompagnées dans chacun de leurs déplacements par des gardes du corps armés. Oxfam s’efforce de rendre leur lutte plus visible pour pousser les autorités à agir.
Oxfam fait pression auprès de l’état colombien pour qu’il fasse de la protection des défenseur.euse.s de l’environnement une priorité nationale et qu’il réinvestisse les zones rurales dans lesquelles il est totalement absent.
Photos: Pablo Tosco/Oxfam