Au fil du Mékong, aquaponie et pêche durable

La rivière Mékong représente un moyen de subsistance pour des millions de personnes en Asie de l’Est. Mais les communautés qui habitent le long de cette rivière se retrouvent de plus en plus sous la menace du changement climatique et de la pollution. Avec le soutien d’Oxfam et d’autres partenaires locaux, ces populations se mobilisent pour renforcer leur résilience face à la crise climatique et faire entendre leurs voix dans les espaces de décision. 

Le Mékong serpente sur 4.350 kilomètres à travers 5 pays : la Chine, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam.  Cette rivière se retrouve au cœur des besoins quotidiens de 65 millions de personnes. Elles y puisent leur eau potable, leur nourriture, y pêchent et utilisent l’eau pour irriguer leurs cultures. Le commerce ainsi que le transport de toute cette région en dépendent également. 

Surexploitation et crise climatique : un futur sous pression

Ces dernières années, l’économie de la région a explosé, et ce non sans impact sur la biodiversité de la rivière. Car tandis que les grandes entreprises et les gouvernements engrangent toujours plus de profit, la pollution et les conséquences de la surpêche touchent de plein fouet les communautés qui vivent autour de la rivière. Ces dernières sont formées avant tout de femmes, de personnes en situation de pauvreté et de minorités ethniques.

La crise climatique vient corser encore davantage la situation. Inondations, sècheresses et fluctuations imprévisibles du niveau de l’eau fragilisent la pêche ainsi que l’agriculture aux abords de la rivière. En conséquence, de nombreuses familles peinent à cultiver suffisamment de nourriture et ne peuvent plus vendre leurs surplus pour générer des revenus. 

Des méthodes d’agricultures durables

Strengthening Climate Resilience  (renforcer la résilience climatique): via ce projet en collaboration avec plusieurs organisations partenaires, nous travaillons aux côtés des communautés les plus fragilisées le long du Mékong et de ses affluents au Cambodge, au Laos, en Thaïlande ainsi qu’au Vietnam. L’objectif pour ces populations ? S’adapter et mieux se préparer face aux conséquences de la crise climatique. Mais aussi être davantage impliquées dans les politiques et la gestion de la rivière. Pour y parvenir, plusieurs actions sont déployées.  

Un des piliers repose dans l’aquaponie, une méthode d’agriculture innovante qui permet de combiner l’élevage de poissons et la culture de légumes dans des bassins. L’aquaponie permet d’être beaucoup moins dépendant de la pêche traditionnelle, et de réduire considérablement l’utilisation d’eau et d’énergie pour la production alimentaire.  

Aquaponie : passer du doute au succès

Chana et Sare font partie d’un projet-pilote dans leur village. A la base, Chana était assez sceptique vis-à-vis de l’aquaponie : « Je ne croyais pas que des légumes puissent pousser dans l’eau. Je me disais : c’est impossible. Mais après la formation que nous avons reçue, j’ai su que c’était possible. A présent, on peut partager ces informations avec d’autres personnes. Les légumes que nous cultivons servent à nous alimenter mais aussi à nous générer des revenus puisque nous les vendons. »

Mais des défis subsistent, notamment les coûts énergétiques. « Le système fonctionne sur base d’énergie solaire, mais la batterie est tombée en panne. Je peux laisser un générateur tourner mais le coût de son utilisation surpasse alors les revenus venant de la vente des légumes. J’ai donc choisi d’économiser pour une nouvelle batterie. Avec elle je pourrai cultiver quatre fois plus de légumes. »

Au-delà des défis techniques, il reste encore un grand travail de sensibilisation : « Les consommateurs ne voient pas la différence entre des légumes cultivés en aquaponie et des légumes issus d’une agriculture intensive et polluante. Si on ne voit pas la différence, on ne comprend pas non plus la différence logique de prix. » explique Chana. 

Je ne croyais pas que des légumes puissent pousser dans l’eau. Je me disais : c’est impossible.

Chana, agriculteur et conseiller, district de Sambo au Cambodge. 

Le rôle indispensable des femmes 

Au sein du projet, une attention toute particulière est accordée aux communautés de pêche locales. Grâce aux comités de gestion de pêche, les populations sont en mesure de collaborer avec le gouvernement pour promouvoir une pêche durable. Ce processus permet non seulement de préserver la biodiversité locale mais aussi que les communautés prennent part activement dans les processus de décision.

Channy, qui dirige un comité de gestion de pêche, raconte : « Notre comité est composé de 15 femmes. Nous nous focalisons sur la protection des espèces marines, sur la prévention de la pollution ainsi que sur la pêche illégale. »

Elles ont notamment dû se confronter à une entreprise qui jetait ses déchets dans les lacs, pompait illégalement de l’eau destinée à l’irrigation et abattait des arbres. « Grâce à notre collaboration avec les autorités, cette entreprise a mis fin à ses activités illégales. Bien qu’elle ait promis de replanter les arbres, nous attendons toujours des actions concrètes. » 

Nous veillons à ce qu'on ne pratique plus de pêche à la dynamite ou par d'autres moyens illégaux et nous informons la communauté des règles en vigueur.

Channy dirige un comité de gestion de pêche dans le district de Konmom au Cambodge. 

Srey Rath est également membre d’un comité de gestion de pêche. Elle a suivi plusieurs formations données par des ONG’s actives dans la région. « Maintenant j’ai une meilleure vue sur la situation et les solutions possibles. Je peux mieux appréhender les problèmes et m’adresser aux instances locales ainsi qu’aux forums publics. », raconte-t-elle. « J’espère que l’on pourra encore impliquer plus de femmes, car elles transmettent également ce savoir à leurs enfants. Et cette transmission est cruciale pour notre avenir. » 

Ce projet est mis en œuvre par Oxfam et des organisations partenaires (dont Northeastern Rural Development) et fait partie du Mekong Regional Water Governance Program. Le projet dure 3 ans et demi et est soutenu par le gouvernement australien via le ministère des affaires étrangères et du commerce. Oxfam et les organisations partenaires (dont des organisations non-gouvernementales, le secteur privé, des universités et des ministères) travaillent au niveau national et régional en collaboration avec les communautés de la région du Mékong à la réalisation de ces objectifs. 

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