Au Yémen, une guerre silencieuse qui dure depuis 8 ans
Fin 2022, Oxfam Magazine a eu la chance de rencontrer Abdulwasea Mohammed, du staff d’Oxfam au Yémen, lors d’une visite en Belgique. L’occasion d’avoir un témoignage de première main de la situation dans le pays, et les efforts d’Oxfam et de ses partenaires pour venir en aide aux populations touchées par le conflit.
En 2015 débutait au Yémen un conflit qui a depuis fait 12.000 victimes civiles et mis le pays à genoux. Une des plus grandes crises humanitaires au monde qui – assez paradoxalement – fait assez peu parler d’elle dans les médias.
Pourtant la situation est grave, comme le décrit Abdulwasea Mohammed : « Les gens souffrent depuis près de 8 ans. Les infrastructures sont détruites ou abimées. Par exemple, seule la moitié des infrastructures de soins est fonctionnelle. Rendez-vous compte : 80% de la population – soit 24 millions de personnes – dépend de l’aide humanitaire, sous une forme ou l’autre, pour survivre ».
L’eau potable, un défi au quotidien
Les capacités de distribution d’eau ont été réduites de moitié depuis le début de la guerre. Et quand les infrastructures sont présentes, c’est l’envolée des prix qui enrayent l’accès à l’eau. Dans le village d’Al Kharazah par exemple, la pompe ne fonctionne plus depuis des mois. Le diesel nécessaire a triplé de prix. Impayable pour les autorités locales...
Grâce à un soutien de l’Union Européenne et de ses donateurs et donatrices, Oxfam est intervenue avec une solution durable : une pompe fonctionnant à l’énergie solaire. Pour ce village dont la population a doublé avec l’arrivée de personnes déplacées par les combats, c’est un soulagement immense. « Je devais marcher des heures pour trouver de l’eau », explique Samar, une jeune habitante. « Je suis venue tous les jours suivre l’évolution des travaux. Pour nous tous, c’est une grande source d’espoir ».
Abdulwasea Mohammed
Les Yéménites espèrent désormais que les belligérants adopteront à nouveau un cessez-le-feu, comme entre avril et octobre 2022. « Nous avons eu 6 mois de calme relatif et donc moins de victimes », relate Abdulwasea Mohammed d’Oxfam (en novembre 2022). « Les associations humanitaires ont pu accéder plus facilement auprès des populations. Nous espérons de tout cœur une nouvelle trêve des combats. »
Enrayer le risque de famine
Pour les nombreuses personnes déplacées par la guerre, se nourrir est une priorité aussi vitale qu’accéder à l’eau. La situation est particulièrement précaire dans la région de Marib. Elle accueille environ 1 million de personnes déplacées par les combats, qui doivent se nourrir au quotidien.
« Nous fuyons les combats depuis des années », témoigne Mufethel Ahmed, père de deux enfants. « Nous sommes restés dans le camp de Sana’a durant un an, puis nous sommes arrivés ici, à Al-Swayda. Parfois je trouve un peu de travail, et je peux acheter des pommes de terre, des tomates… Mais souvent nous n’avons rien à manger à part un peu de riz. »
Dans la région de Marib, Oxfam et son partenaire local ‘Benevolence Coalition for Humanitarian Relief’ distribuent de l’argent et des bons alimentaires. Une solution mieux adaptée que la distribution de colis, car les familles sont les mieux placées pour évaluer leurs besoins et se procurer ce qui leur est nécessaire.
Les chiffres
922.400 Yéménites
12.000 victimes civiles
1 hôpital sur deux
L’aide humanitaire ne suffit pas : les gouvernements doivent agir
Depuis avril 2020, Oxfam et ses partenaires locaux ont pu venir en aide à 150.000 Yéménites. Une goutte d’eau dans un océan de souffrances, mais qui peut signifier la différence entre la vie et la mort pour les personnes concernées.
Malheureusement, la mobilisation de la communauté internationale n’est pas suffisante. Le Yémen a beau être le 2ème récipiendaire de volume d’aide humanitaire, ce n’est pas suffisant vue l’étendue des besoins. L’appel des Nations Unies pour le Yémen est à peine financé à moitié. Indécente ironie, des entreprises occidentales ont engrangé au cours des dernières années de plantureux bénéfices en vendant des armes aux belligérants.